Le Paris-Granville ayant à nouveau des hoquets, il a fallu que j’aille récupérer « mes gens » à Rennes. Là-bas la gare est toujours en travaux. On s’y égare, personne ne sait vraiment où se trouvent les quais, les départs, les arrivées. Les agents de la SNCF ont les plus grandes difficultés à renseigner les voyageurs. Et comme on leur pose vingt fois les mêmes questions auxquelles ils ne savent pas répondre, ils sont à cran. La route ensuite (une très grosse heure) a paru longue à tout le monde, mais en arrivant, je suis passé par la côte et j’ai pu ainsi montrer la Baie, le Mont et Tombelaine, depuis les falaises de Champeaux. Un genre de récompense. La vue était encore dégagée. Le ciel se couvrait juste. Après déjeuner, il n’était pas question d’aller se promener tant la pluie menaçait. Je les ai donc déposés tous les deux à l’auberge. Il y avait du monde à la Rencontre. Et tout s’est bien passé, comme je l’espérais. Depuis Etretat où je l’avais vu, chez lui, pour le portrait dans Le Monde à la fin de l’automne, je savais bien que Marc Villemain ne serait pas dans la réticence, qu’il ne m’abandonnerait pas dans les silences ou les réponses détournées. Il a été réellement généreux. Beaucoup de ceux qui étaient venus l’écouter et qui avaient lu son recueil de nouvelles sur les émois amoureux de l’enfance et de l’adolescence étaient visiblement touchés. Comme moi. Je ne sais pas où il a enfoui ces sentiments, ces battements d’autrefois pour les ressortir aujourd’hui à ce point intacts. Ses textes restituent, dans une exactitude troublante, les petits bonheurs, les grandes hontes, la timidité, la maladresse, les chagrins. Les cœurs battants. Belle et longue soirée à la maison. A parler de livres, encore, d’écrivains (de Lionel-Edouard Martin à qui je devrais d’ailleurs écrire), du monde comme il va aussi. Après, je ne sais plus bien. C’est que nous avons vidé, je crois, pas mal de bouteilles.