C’était mon jour. Mon quart d’heure de célébrité puisqu’aujourd’hui, on me remettait à l’Académie française le prix Paul Verlaine pour L’herbier des rayons. Je n’étais pas le seul, certes, à être distingué. Nous nous trouvions une bonne soixantaine d’impétrants à nous partager l’ensemble du palmarès. Et parmi eux Nathacha qui recevait le prix Anna de Noailles pour son Tropique de la violence et Isabelle, le prix Amic pour Une allure folle. Litanie de louanges. On se lève, on écoute l’air modeste et compassé. Ce petit livre aussi précieux que le ciel par-dessus le toit compte trente-six jours et trente-six poèmes, du cœur de l’hiver au début du printemps. À chaque poème correspond la planche d’un herbier et le nom de la rue où la plante fut cueillie. Une suite mémorable de « petites particules de souvenirs épars »., a dit Michael Edwards. Moi qui ai tant besoin de reconnaissance, je dois l’avouer, ça m’a vraiment fait quelque chose. Tant pis pour ceux qui raillent. Au fond, je ne suis pas si désabusé. Amélie était venue me retrouver pour déjeuner à la Palette juste avant la séance. Elle aura été assise tout le temps à mes côtés. Nicole et Pascale étaient là aussi. J’étais bien entouré sous la Coupole. L’endroit était tel que je me l’étais imaginé. Sauf dans certains détails. Je ne savais pas que, maintenant, par exemple, les fauteuils des académiciens (certes en velours vert, larges et confortables) étaient des sièges à assise repliable, comme au théâtre et au cinéma. Pas non plus qu’on avait accroché de grands écrans plats sur les murs. Mon Dieu même là… La séance s’est continuée avec des discours académiques. J’ai surtout retenu celui d’Hélène Carrère d’Encausse à propos de d’Alembert, dont on allait célébrer, mi-décembre, le tricentenaire de la naissance. Rien à dire sur « l’éloge » en lui même. Mais à plusieurs reprises, Mme le secrétaire perpétuel a cité La Harpe, confrère à l’Académie de d’Alembert à l'époque. Pour en dire quoi ? Qu’il était mauvaise langue. Qu’il était ingrat et malveillant. Qu’il se répandait en propos venimeux. Pauvre cher La Harpe. J’étais à la fois content d’entrendre son nom dans ce lieu et aussi si tristement navré. Je repensais à cette phrase de Collé, son contemporain : Il faut que M. de la Harpe ait un secret particulier pour se faire plus d’ennemis qu’un autre. Ca perdure, plus de deux cents ans après sa mort, et en méconnaissance totale de sa biographie. Dommage.