Drôle de séjour à Paris. Sans rendez-vous de travail. De ce côté, je me sens un peu abandonné. Le mercredi 25 au matin, c’était l’enterrement au cimetière du Montparnasse d’Alexandre, le mari de Liana Levi. Rien que des proches et des proches de la maison d’édition. Embrassé Joëlle, Fanchita (quel âge a-t-elle aujourd’hui ?) douce et ridée, flageolante d’émotion et de faiblesse. L’heure n’était pas au vagabondage dans le cimetière, mais il m'a semblé que sa tombe n'était pas très éloignée de celle de Pierre Minet, ce poète et romancier de lui-même, si sensible, si exigeant, mort vers la fin des années 1970 et qui cessa d’écrire par passion amoureuse. Sur sa dalle, je crois me souvenir qu’il avait fait graver « écrivain », entre guillemets… Allia a réédité il y a peu La défaite, où il explique sa honte d’avoir tué en lui le poète qu’il était. Si je suis certain de quelque chose, c'est bien de cela. Je suis un vaincu. Pire encore, un déserteur, y avoue-t-il tout de suite. J’ai déjeuné (tard) avec Pascale. Traîné un peu avec elle au bar de la Perle, cet étrange hôtel de la rue des Canettes toujours désert. Elle m’a donné les épreuves de Chafouine, le texte d’Alain Galan qui sort en janvier. En la quittant, je suis allé m’installer au Rostand pour le lire. Une histoire de manuscrit abandonné, d’écrivain perdu. Et celle d’un improbable chat au masque de chouette. Tout cela dans le fouillis d’un Périgord limousin, un pays perdu, entouré d'étangs, de bois de taillis et de marécages. A mi-lecture, j’ai écrit un mot à Alain tant j’étais bouleversé. Coïncidence. Nous étions invités Amélie et moi à visiter l’exposition Sophie Calle (Beau doublé, Monsieur le marquis !) au musée de la Chasse où il était intervenu l’an dernier, au moment du salon « Lire la nature », pour Peau-en-poil. Je suis passé rapidement devant les accrochages et les installations, préférant les collections permanentes. Je suis là-bas comme un gosse, fasciné par les animaux naturalisés (il y a notamment deux gigantesques ours blancs dressés, griffes en l’air), m’arrêtant à chaque toile, à chaque objet. Nous avons dîné chez René, rue du Cardinal-Lemoine, un de ces lieux que rien n’a encore trop bousculé. J’étais fatigué. Je me fatigue maintenant à Paris. Ou je me fatigue de Paris, peut-être. Je ne sais pas. Déjeuné avec Marie le lendemain près de sa galerie, récupéré Gabrielle et Antoine l’après-midi à la gare Montparnasse. Voyage un peu long (à cause de l’automne et des feuilles mortes qui gênent la circulation des trains, il faut ajouter une bonne demi-heure au trajet), mais Amélie avait apporté toute une collection de cahiers de dessin et d’activités qui les ont occupé. Les enfants sont restés dix jours à la maison. Ils ont été gentils. Je crois qu’ils étaient contents. Jouer avec la chienne, se balader au bord de mer, s’offrir des apéros d’Orangina et de saucisson. A la sieste et le soir au coucher, je leur lisais Les quatre Fan’foudys d’Eugène David-Bernard, ce livre qui, de Madagascar à la Bretagne, parle des petites âmes et de la pureté de l’amour. Antoine suivait comme il pouvait, marquant son intérêt en questionnant à tort et à travers. Gabrielle se laissait porter par l’histoire. J’ai essayé Alice ensuite. Mais c’était trop tôt encore. Pour les deux. Gabrielle apprend à lire et à écrire. Aussi a-t-elle lu, tous les jours, tout (mais alors tout, des étiquettes et des emballages, aux journaux et aux albums de Caroline) ce qu’on lui a mis devant les yeux. Et écrit aussi, tous les jours, une lettre. A ses parents (auxquels il faudra peut-être un jour expliquer qu’au premier courrier de leur fille, on ne répond pas par texto…), à ses grands parents, à sa marraine et son parrain, à sa maîtresse d’école. J’en ai marre ! – Pardon ? – J’en ai assez. – Tu finis, il reste un mot, et on arrête pour aujourd’hui. – D’accord. De fait, il a juste fallu remettre un peu à niveau les curseurs de l’effort (léger) et ceux de la politesse (bonjour, s’il vous plaît, merci, pardon) et tout s’est bien passé. A la messe de la Toussaint, à l’abbaye de la Lucerne, Gabrielle a tenu ma main pendant presque tout l’office. Grillés aux pommes pour le dessert. Oui, je crois bien qu’ils étaient contents. Je ne savais plus comment faire de la pâte à crèpes. Je me suis battu avec une recette au déjeuner du dernier jour, mais elles étaient réussies. La Harpe nous accompagne à la gare ? Nous avons tassé la chienne dans la voiture. Je savais bien qu’en rentrant, la maison serait toute vide.