Il y a encore des fleurs ici. Je ne les voyais plus tant je sentais tout envahi d’automne. Je les ai redécouvertes grâce à Victoria. Le tremblement de terre au Mexique l’a jetée dans une inquiétude angoissée dont elle a du mal à se sortir. Je ne savais pas bien comment aider de si loin cette petite fille. La correspondance met des mois à parvenir là-bas et les courriels m’apparaissaient bien secs, bien vides, inutiles en un mot, tant il me semblait qu’il lui fallait des mots à toucher. J’avais envie aussi de lui glisser avec mes lettres, dans l’enveloppe, plein de petits porte-bonheurs, des feuilles, des plumes d’oiseaux, des pétales séchés, quelques grains de sable. J’ai eu l’idée de la promener dans le jardin, avec moi. Chaque jour, je lui envoie la photo d’une fleur au hasard des plates-bandes. Un dahlia Galaxie, au mauve lumineux, une tête d’hortensia Générale vicomtesse de Vibraye panachée de rouge clair et de vert, une rose trémière blanche, des fuschias de Magellan, des sédums… Je m’aperçois que je suis encore loin d’être allé au bout de cette flânerie douce. Il commençait à pleuvoir lorsque j’ai accompagné Amélie à la gare. Le train s'ébranle. Mon cœur se ferme avec les portes automatiques. Il fait silence. Il attend.