Dîner avec Marie. Cela faisait un moment que nous ne nous étions pas vus. Du coup, nous avons fêté Noël et la nouvelle année réunis. Petits cadeaux du Mexique avec, surtout, une nouvelle sabila preparada, cette touffe d’aloe vera fraîche décorée d’une quantité de rubans, de graines, de poudres magiques, d’effigies de saints… Celle que nous lui en avions offert il y a longtemps avait fini par faner. Mais c’est incroyable comment sans soins, sans eau, la plante reste vivace plus de deux ans, faisant même de nouvelles feuilles. Pas étonnant que cela soit réputé porter bonheur. Marie, de son côté, avait apporté, entièrement nettoyé et réencadré, le portrait, à la sanguine et au fusain, de « la tante Blanche », la sœur de ma grand-mère, que je lui avais confié lors de son dernier séjour à Carolles. Elle l’a fait remettre en état par une restauratrice qui travaille avec sa galerie d’art. Le résultat est fantastique. Les rousseurs, les taches de moisissure, ont disparu. Les traits sont retrouvés. Mon père, enfant, était très proche de cette tante Blanche, décédée à cinquante-six ans en 1925 (lui avait vingt-deux ans à sa disparition, il se mariera un an plus tard et prénommera sa fille première née –ma demi-sœur qui ne vivra pas longtemps- Monique, Gisèle, Blanche). Je ne sais rien d’elle, sinon qu’elle est restée célibataire. Et je n’ai que ce portrait où elle sourit imperceptiblement, ainsi qu’une photo posée. Elle a été prise dans un jardin près d’un lilas. Elle porte une robe longue, plissée, avec des manches gigot. Taille corsetée, gants blancs qui lui couvrent les avant-bras, chapeau fleuri posé sur le haut de son chignon. Elle cale une ombrelle derrière son dos. Son regard est lointain, comme embué. Et c’est encore à peine si elle sourit. Elle est enterrée à Rouen auprès de sa mère, Eugénie, de son frère Charles et de sa belle sœur Alphonsine. La concession se terminait en 2011. J’avais appelé la mairie pour savoir s’il était encore possible de la renouveller. On m’avait dit d’écrire. Je ne l’ai pas encore fait.