Quelle lenteur. Je n’avance pas dans le livre. Je suis toujours en train de commencer. De recommencer. J’ai reçu des papiers d’État-civil de la mairie de Brétigny-sur-Orge qui m’éclairent un peu sur le couple de mon père avec sa première femme, Yvonne. Elle est morte le 1er octobre 1973. Peu de temps après, mon père reprennait contact avec ma mère. Ils se sont mariés en janvier 1974. A cette époque, j’étais à la fac. En première année de chinois aux Langues O. Et je séchais les cours. Mes parents ont habité entre la maison de Senlis et le pavillon de banlieue de Brétigny de mon père. Ils ont emménagé là-bas assez vite. Ce que j’ignorais jusqu’à recevoir ces documents, c’est qu’Yvonne était décédée chez elle, et très vraisemblablement dans le lit conjugal qu’elle occupait seule, puisqu’ils faisaient chambre à part (d’après ce que j’ai appris ensuite). Ils ne se parlaient plus d’ailleurs depuis une dizaine d’années. Depuis qu’elle avait appris mon existence. Quand ma mère s’est installée à Brétigny, elle a dû se glisser dans un décor où rien n’avait changé. Tout était resté en place. Les meubles, les bibelots, les objets, les moindres ustensiles, le linge, le lit. Le matelas… D’où cette énergie qu’elle a eue de partir habiter Carolles. Pour s’arracher au plus vite à l’étreinte des spectres. Carolles, ce lieu d’enfance de mon père que n’avait jamais aimé Yvonne (qui détestait ma grand-mère, à moins que ce soit l’inverse, ou les deux). Ils y feront des séjours de plus en plus longs avant de déménager définitivement en 1977.