Nous avons emmené Louise à la Comédie française aujourd’hui. En matinée. Nous avions retenu des places pour la reprise du Cyrano de Bergerac mis en scène par Podalydès. Elle a douze ans. L’âge parfait pour la pièce d’Edmond Rostand. Moi, j’étais encore à l’école primaire, en 1964 ou 1965, quand j’y avais assisté, avec Jean Piat dans le rôle de Cyrano. J’en garde un souvenir ébloui. Tellement enthousiaste. Comme j’avais ri, comme j’avais pleuré. Quel héros ce Cyrano. Aujourd’hui je connais toujours des passages par cœur tant j’ai lu et relu le texte. Ici, je dois bien dire que j’ai été déçu. C’est que je ne comprends pas ce souci d’originalité forcené qui semble agiter les metteurs en scène. Certes, ce n’était pas le Cyrano que Pitoiset a massacré à l’Odéon (avec le pitoyable Torreton…) faisant du héros de Rostand un aliéné dans un asile psychiatrique. Mais quand même. Quel étrange obstination à bousculer les codes, par peur sans doute d’avoir l’air trop classique. La confusion est à son comble au lever de rideau. La première scène (« une représentation à l’hôtel de Bourgogne ») est envahie des projections vidéos de mises en scènes « mythiques ». De ci, de là, quelques phrases tronquées, quelques noms contemporains sottement rajoutés. Quant aux indications, très précises, de Rostand sur le décor : oubliées au triste profit d’un agencement foutraque d’estrades et d’échafaudages. Et puis, je ne comprends pas pourquoi il faille que Cyrano s’extirpe d’une malle en osier pour son entrée en scène (d’autres personnages d’ailleurs surgiront ainsi du plancher ou de la fosse..). Quoi encore ? Les acteurs sont costumés dans un kaléidoscope d’époques incompréhensible. Le poste des Cadets de Gascogne au siège d’Arras à des allures de tranchée de la guerre de 1914. Au moment de la charge tonitrue le Boléro de Ravel. J’en passe... Ajouter juste que Didier Sandre qui tient le rôle de de Guiche (affublé d’une redingote à brandebourgs bleu de Prusse) est quasi inaudible du début à la fin. Bah. Du coup, Louise n’a pas tout compris. Mais elle était contente. J’ai gardé ma déception pour moi. Reste Rostand : Non, non, mon cher amour, je ne vous aimais pas ! Nous sommes allés boire un verre au Café Marly. La nuit tombait sur la cour du Louvre.