Je garde Gabrielle tous les mercredis après-midi de septembre. Il y en cinq et aujourd’hui, c’était le premier. Sortie d’école à Saint-Cloud. Tramway jusqu’à la porte de Versailles puis métro jusqu’à Sèvres-Babylone. Je l’ai emmenée déjeuner au Coffee Parisien. Rue Princesse, histoire de donner la tonalité du mois. « Vrai » hamburger et Coca-Cola. Glace à la fraise. Par-dessus son assiette, elle m’a raconté sa nouvelle maîtresse (Elle s’appelle Audrey…), Armand et Abel, ses deux amoureux (Je préfère Armand !), est revenue un peu sur ses vacances (J’ai pris l’avion toute seule.), et s’est inquiétée de l’avenir (Qu’est-ce qu’on fait cet après-midi ?). Nous sommes allés au Musée en herbe, rue Hérold, où il y avait une exposition Tintin. Là-bas elle a vite rejoint un petit groupe d’enfants qu’une animatrice guidait dans la visite à la recherche d’une pierre précieuse égarée du trésor de Rackham le rouge, à moins que ce ne soit celle cachée dans le curieux fétiche arumbaya à l’oreille cassée. C’était bien ? A la terrasse du Nemours, place Colette, nous avons commencé à remplir tous les deux son « Cahier des mercredis ». Un scrap book où j’ai décidé de lui faire coller les tickets de métro, les cartes de visite des restaurants, les notes des bistrots, les entrées aux musées, aux spectacles, les cartes postales des endroits visités. J’écris sous sa dictée. Je lui relis pour qu’elle approuve. Je sais qu’elle ne souviendra pas de ses moments-là. Qu’ils vont disparaître, pétris dans la pâte de ses premières années. Celles qui feront le socle de sa vie. Mais si elle retrouve ce cahier, bien plus tard, elle m’entrapercevra peut-être lui souriant dans la tendresse émue de ces mercredis lointains.