Déjeuner avec Claire au café Tournon. J’arrivais du Rostand où j’avais essayé pendant une heure d’éponger un peu de mon courrier en retard. Le Rostand, le Tournon : voilà bien deux endroits où je me sens parfaitement au calme. Sans hâte. Sans inquiétude. Il n’en est plus beaucoup dans le quartier. Il y avait autrefois l’Alsace à Paris place Saint-André-des-Arts qui, en perdant son nom, est devenue une brasserie vulgaire et clinquante; le Balzar où l’on a l’impression aujourd’hui de toujours déranger, où il faut vite laisser la place aux dîneurs, aux touristes. Je pourrais continuer longtemps la litanie de tous ces lieux que j’ai aimés, maintenant perdus, et qui me sont devenus tellement étrangers. Claire m’avait apporté L’atelier des morts de Daniel Conrod qui sort fin août. Ca devrait te plaire, m’a-t-elle dit. J’ai jeté un coup d’œil à la quatrième de couverture. Il peut arriver qu’il faille ré-ensevelir ses propres morts. Car il y a des morts négligés comme il y a des individus négligés, qui souffrent au-dedans de nous et nous font souffrir en retour. Je crois qu’elle a raison. N’empêche, quelle réputation… Passé l’après-midi à mettre de l’ordre dans les envois de rentrée. Sorti de la pile 78, le livre de Sébastien Rongier chez Fayard. Une histoire de temps qui file et d’enfance qui se tourne. Je suis passé chercher Amélie place Paul-Painlevé. Nous étions invités par Nicolas Pagnol à la projection de la version restaurée du Marius de son grand-père Marcel à la cinémathèque. Retrouvé là-bas Antonie et Louise. Pas sûr que la petite ait tout suivi de ce mythique mélo de 1931. Elle aura surtout retenu Quand on fera danser les couillons, tu ne seras pas à l’orchestre. Quant à moi, je ne me souvenais plus à quel point, à part quelques scènes et répliques (dont celle-ci), le film était noir, désepéré. Et qu’aussi Orane Demazis me tapait si épouvantablement sur les nerfs.