Toujours mal au dos. Il ne faut pas s’écouter, disait ma grand-mère Mamoÿ lorsque j’allais la voir pour un bobo. Elle qui ne s’était jamais plainte. Ou si peu. A la fin, seulement. J‘ai vi, j’ai pas vécu, confiait-elle juste en résumé de son existence. Elle avait donné naissance à treize enfants en vingt-et-un ans. En avait élevé trois autres en plus. Quatre étaient morts aussi. Puis deux guerres, et toutes ces journées à faire marcher son monde. Se plaindre ? S’écouter ? Pas le temps. Jamais. Le frigo était vide. Je n’avais pas le courage d’aller au marché de Carolles. J’ai hésité. La municipalité et les commerçants fêtaient le premier anniversaire. Et j’avais dit à Monique et Jean-Marie que j’y ferais un saut. Tant pis. Je suis allé faire des courses à Granville pour le dîner. Nettoyé la maison. Retendu le lit. Jean-Pascal était à Coquelonde pour la journée. La société de sécurité installait l’alarme dans la maison. Des détecteurs de présence partout. Code, mot de passe. Il m’a invité à déjeuner chez Salvatore à Jullouville. Foie à la vénitienne et sangiovese. J’ai passé l’après-midi à couper les roses fanées. A faire tout ce que je pouvais, sans me baisser, au jardin. Amélie est arrivée par le dernier train. Elle s’est inquiétée : Tu vas mieux ? – Oui. Maintenant, tu es là…