Une guêpe engourdie par le froid s’est réveillée à la chaleur de la maison. Elle devait avoir trouvé refuge dans une bûche. Je l’ai attrapée sans mal aux rideaux. Je l’ai jetée dans l’aquarium de Flick-en-Flack, la grenouille ou plutôt le crapaud ramené de l’Île Maurice au printemps dernier. Je l’avais ramassé dans le patio de l’hôtel où il en courait des dizaines, persuadé qu’il finirait dans un bocal de formol sur une des étagères de ma petite galerie de zoologie du couloir. Mais après douze heures de vol en soute, il a émergé de sa boîte en pleine forme. J’ai cru d’abord qu’il s’agissait de Ptychadena mascareniensis, une grenouille africaine introduite sur l’île au XIXe siècle, avant de pencher, à cause de la texture de sa peau et des taches rouges qu’il a vers la cuisse pour Amietophrynus gutturalis ou crapaud guttural. Mais je n’ai jamais entendu son cri réputé très sonore. Lui aussi est originaire d’Afrique, introduit dans les Mascareignes dans les années 1920 pour lutter contre les moustiques et le borer de la canne à sucre. Flick-en-Flack (son nom vient de l’endroit où je l’ai capturé) ne se nourrit que de proies vivantes. Je vais donc régulièrement à Granville lui acheter sa provision de grillons. Mais dès que le moindre insecte s’aventure dans la maison, je l’attrape pour lui donner. Le régime lui profite bien : il a grandi et mesure maintenant sept centimètres, pattes repliées. Nos crapauds « communs » peuvent vivre trente-cinq ans dans la nature. Je crois que Flick-en-Flack me survivra... J’ai fini mes poèmes. Petites particules de souvenirs épars/ Aujourd’hui se rassemblent/ s'échappent/ une dernière fois/ Ces larmes sottes/ pour rien répandues/ Je garde sans que personne jamais ne sache/ de ma vie/ ce qui reste/ Mes tendres spectres. Je vais m’attaquer au planches de l’herbier. Ce serait bien que je puisse envoyer le tout début janvier (six mois de retard !) à Geneviève Bouffartigue.