J’ai envoyé à Raphaëlle le papier rédigé hier soir tard sur De quel amour blessée d’Alain Borer. Toujours ce doute lorsqu’il s’agit d’un texte qui me touche profondément. Borer a écrit ici une autre Défense et illustration de la langue française. Il faut un vrai courage à le faire aujourd’hui. Le combat ne suscite que des attaques et des moqueries. On est « réac » quand on aime sa langue. Quand on souffre de la voir dévastée, le vocabulaire sans cesse appauvri, piétinée par une inculture triomphante, colonisée par l’anglo-américain des marchands et des snobs. Le livre tient son titre de ces vers de Phèdre : Ariane, ma sœur ! de quel amour blessée/ Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée ! . Borer est poète. De ce qui ne pourrait être qu’une triste déploration ou qu’un pamphlet rageur, il a fait aussi une ode. J’ai pris un verre avec Pascale au J’Go. Christophe, le gérant, nous a annoncé qu’au printemps, il devra fermer. La société de gestion (belge ?) à qui appartient le marché Saint-Germain a décidé de le « repenser » entièrement. A la place des restaurants, des bars et des petits commerces, s’ouvriront ici le plus grand « Apple Center » de Paris, une vaste « boutique » Nespresso et des enseignes de luxe tapageur et vulgaire. Où fuir ? J’ai retrouvé Amélie au café Tournon où logeait Joseph Roth (enfin, il avait son appartement dans l’immeuble…). J’aime cet endroit où je ne vais pas assez souvent. Tout y est discret et calme. Vu là-bas Jean-Maurice de Montrémy qui déjeunait tout seul (quelqu’un lui avait posé un lapin). Nous avons bavardé. D’Alma, sa maison d’édition et de plein d’autres choses. Lui (aussi…) je ne le vois pas assez.