Georgette a quitté l’affreuse polyclinique. Et tant mieux. Toutefois j’ai peur que son séjour là-bas lui ait été fatal. Elle y a contracté une infection généralisée. Les intestins, les poumons. Tout est envahi. Et on lui a prescrit à la hâte des médicaments qu’elle ne tolérait pas. Elle est revenue à l’hôpital d’Avranches dans le service de gériatrie. Sa chambre est lumineuse et propre. L’autre lit est occupé par une petite dame tranquille. Les infirmières et les aides soignantes sont charmantes. Mais elle ne profite pas de ce répit. Elle n’entend plus d’une oreille. A peine de l’autre. S’épuise à parler. J’ai soif. Elle avale juste une gorgée d’eau. Fait un petit signe. Et s’endort. Nous sommes partis doucement. Soleil rasant sur la Baie au début du couchant. Les sables autour du Mont allaient du miel au roux. On s’arrête ? – Oh, non… Hâte qu’elle se termine cette route de la côte. Elle est devenue celle des allers et retours de nos visites. La verrons-nous autrement après ? Cet après de l’absence auquel je m’interdis de penser. Je le sais d’expérience : la mort ne s’apprivoise pas. Passez cueillir des pommes nous avait dit Norbert. Nous sommes allés dépouiller l’arbre du bas de son terrain. Deux pleins paniers de Melrose. Et venez boire un verre. Ensemble dans la véranda, jusqu’à ce que le jour tombe sur la falaise, nous avons parlé. De tout. De rien.