Amélie m’a aidé à écrire un long mot à Fiona et Steven. Ils m’avaient envoyé un message la semaine dernière. We want you to know that we are thinking of you. Je leur avais répondu trois lignes maladroites bourrées de fautes de grammaire. Cela faisait bien un an que je ne leur avais pas donné de nouvelles. Mais raconter quoi ? Que depuis ma maladie, mon opération et mes traitements, je vis dans un au jour le jour inquiet ? Que je renâcle à faire les analyses qu’on m’a prescrites parce que j’ai peur des résultats ? Que je n’arrive pas à écrire mon livre ? Que mes commandes de papiers dans la presse se font de plus en plus rares ? Que j’ai, encore et encore, des soucis d’argent ? On va plutôt parler ce qui va bien, non ?, ai-je proposé à Amélie. Et c’est vrai que, grâce à elle, mes jours sont aussi emplis de douceur, de tendresse et de consolation. Il faudrait que je puisse enfin faire la part des choses. Renverser cette fatalité négative qui me ronge tellement. On va commencer par leur dire que l’automne est doux à Carolles… En fait, je m’empêtrerais peut être moins si nous nous voyions plus souvent. Melbourne est à quinze mille kilomètres. Faire le voyage aujourd’hui, me paraît, pour nous, bien compliqué. Mais Fiona et Steven projettent de revenir à Paris l’an prochain. Jean-Pascal est passé dire bonjour. Tout seul. Il repart tout à l’heure. Il ne vient à Carolles qu’une journée par semaine. Voir sa mère. Martine et Agathe ne l’accompagnent plus en ce moment. Annick et Norbert ont déjeuné à la maison. Norbert m’a demandé ma recette de homards à l’américaine. Il n’y a pas grand savoir-faire. Nous avons passé en revue les ingrédients. Le beurre, les échalotes, l’ail, les tomates, le bouquet garni, le poivre de cayenne, le cognac, le vin blanc, la crème. Un homard de cinq cents grammes par personne. J’ai compris que ce qui l’embêtait le plus, c’était de les couper en tronçons vivants.