J’ai traîné un moment dans le quartier de la rue de Sèvres après mon rendez-vous chez le coiffeur (il était temps…). Passé dire bonjour aux Pol-Simon à leur imprimerie de la rue de Babylone. Comment va Amélie ? Qu’est-ce que vous devenez ? Monté au rayon jouets du Bon Marché à la recherche d’un ours brun en peluche à oreilles courtes et gros nez que j’avais repéré il y a longtemps et que j’aurais bien offert à Gabrielle. A l’époque, j’avais fait une photo. Je l’ai montrée à la vendeuse. Oh, j’ai peur qu’on ne fasse plus ce modèle… J’avais rendez-vous dans le quartier avec Laurence. Elle donne en ce moment une série de cours à Sciences Po sur la création littéraire. Je n’aurai pas beaucoup de temps, tu sais. Nous avons déjeuné rapidement à la Ferronnerie, rue de la Chaise. Elle publie début janvier aux Busclats un texte d’une centaine de pages : L’écriture et la vie. Le titre lui a été donné par Jean-Marc en décembre de l’année dernière, trois mois avant sa mort. Cela fait, bien sûr, référence à Jorge Semprun à sa sortie de Buchenwald. Semprun (que la vocation d’écrivain tenaillait depuis l’enfance) expliquait qu’il avait pensé qu’il lui serait possible alors de renaître par les mots. Le poids de la mémoire immédiate l’avait écrasé comme un effrayant fardeau. Commençant ce qu’il appelait sa longue cure d’aphasie, d’amnésie délibérée il avait décidé d’abandonner l’écriture pour choisir la vie. Le livre de Laurence est le journal d’une réconciliation. Elle le tient, d’août à fin septembre 2012, balisant les dernières étapes de son retour à une écriture dont elle se sentait comme empêchée depuis presque deux ans. Sa dernière note date d’un an jour pour jour. 24 septembre : (…) Je suis redevenue un écrivain vivant. Je me suis souvenu de cette fois où j’avais été invité dans une classe de sixième. Qu’est-ce que c’est un écrivain ?, avait demandé l’enseignante aux élèves. C’est quelqu’un qui est mort, avait répondu un gamin. Qui habite à la campagne ! avait rajouté un autre. Ca me ressemble. Assurément.