J’ai déjeuné avec Capucine au Luxembourg, à l’angle de la rue de Fleurus et de la rue d’Assas. Chez Stock, c’est leur cantine. Nous avons parlé de mon livre, bien entendu. Je me suis efforcé de lui raconter mes trébuchements, sans trop m’en plaindre. J’avance, je me casse la figure, je tombe dans la pente, je me relève. A chaque fois, tout est à recommencer. Elle m’a souri : Cette fois, ça va aller… Méthode Coué ? Comme nous sortions, nous avons croisé Manuel qui était à une autre table. Alors, tu travailles ? Bon, j’ai compris. Plus le temps d’hésiter. J’ai reçu un message de la SGDL. Je figure dans la deuxième sélection de la Bourse Chenouard 2013. Je leur avais proposé en mai mon projet de L’herbier des rayons. De février à avril, lorsque je suivais mes séances de radiothérapie à l’hôpital des Peupliers, j’avais ramassé dans le quartier, chaque jour de ces trente-six jours, dans une rue différente, une plante différente. Une de ces « sauvages » qui poussent en ville avec acharnement, avec résistance, dans la moindre anfractuosité. J’avais exploré les failles dans les murs, les éclats de bitume, les grilles d’arbre, les interstices des pavés, les jardinières abandonnées, les friches et les débords des jardins cultivés. Et de retour à la maison, j’ouvrais ma flore, mes livres, pour identifier ma cueillette, retrouver le nom latin. Je mettais à presser dans du papier léger, sous de gros dictionnaires. Quand je collerai cet herbier, m’étais-je dit, à chaque plante, à chaque jour, il y aura son poème. Le travail est bien avancé. Ah, si j’avais cette bourse… Réponse en novembre. Je suis allé chercher Gabrielle chez la nourrice. Ses parents ont tous les deux des réunions de travail tard ce soir, du coup elle dort à la maison. Nous avons pris le bus, marché jusqu’à la rue Danville. Elle court un mètre devant sur le trottoir. S’arrête à chaque intersection. La main ? Puis elle repart. Je lui ai donné le bain. Préparé le dîner : soupe à la tomate, coquillettes et jambon. En attendant Amélie, nous nous sommes servis un verre, grenadine à l’eau pour elle, pouilly fumé pour moi.