Valentine est venue à la maison pour me parler de son livre Kinderzimmer. C’était plus simple qu’elle aille rue Danville pour, je crois, des histoires de garde de sa fille. C’est vrai que nous sommes mercredi. Au Monde, ils ont finalement dit oui pour un portrait de dernière page. Et j’en suis ravi. Kinderzimmer est, jusqu’ici, son plus beau texte. Une forme d’aboutissement dans cette obsession qu’elle a des entrailles et des corps. Du langage des corps. Des corps des femmes. Mon premier papier sur elle remonte à 2008. Elle venait de publier, justement, Qui touche à mon corps je le tue. Elle s’est lancée ici dans une aventure d’écriture à haut risque. Il semblait en effet impossible voire presque indécent de parler de cette kinderzimmer, la « crèche » étrangement tolérée en 1944 à Ravensbrück où survivaient à peine des nourrissons faméliques nés dans l’horreur du camp. Un roman là-dessus ? C’était tellement et même trop. Sauf qu’en quelques pages, on se trouve saisi par une étonnante légitimité. Dans le livre de Valentine, il y a une vérité de ton et un infini respect. Le sujet, d’ailleurs, est venu à elle dans des rencontres, des témoignages. Elle n’a rien suscité. Nous avons parlé longtemps. J’ai pris les notes que j’ai pu. J’ai déjeuné avec Pascale au Bistrot d’Henri. Croisé Daniel dans le restaurant. Il était avec Françoise Pertat, la traductrice d’Alex Miller, l’auteur australien dont Phébus vient de faire paraître Autumn Laing. J’ai pensé à Fiona et à Steven à Melbourne. Je ne leur ai pas donné de nouvelles depuis des mois et ils s’inquiètent. Comment se fait-il que je n’arrive pas à leur écrire ?