J’ai reçu au courrier deux nouvelles écharpes anglaises. De ces longues écharpes de collège avec des bandes de couleurs vives. Je suis maintenant à la tête de toute une collection. Je voulais en rapporter une de notre voyage à Londres un peu avant Noël. Mais là-bas, rien à faire pour en trouver. Boutique après boutique, je commençais à désespérer. Mais tu cherches quoi au juste ?, m’avait demandé Amélie. J’étais en train de me lancer dans une énième explication quand, devant une vitrine de Savile Row, j’ai aperçu une jeune fille toute emmitouflée. Regarde, c’est ça, c’est ça ! - I beg your pardon, miss, but where did you buy your scarf ? Bon, c’était celle de son école et quant à en acheter… You should try on the net. Nous sommes rentrés en France, mais l’idée ne m’a pas quitté. En fait, il s’agit d’une histoire très ancienne. Au collège Saint-Vincent, à Senlis, lorsque j’étais en classe de quatrième, c’était la mode, le nec plus ultra. Ils étaient un certain nombre à se pavaner avec. L’élite, quoi. D’où les tenaient-ils ?, grand Dieu, je ne sais pas. Mais nous autres, tous les autres, nous n’avions guère de moyen d’entrer en compétition. Tout au plus nous affublions-nous de cache-nez rayés. Rien à voir. Nous étions ridicules. Des « péqs » comme ils disaient (comprendre péquenots). Il m’en est resté un sentiment d’envie et de honte. D’autant que je les connaissais bien ces écharpes, de mes étés d'avant chez Mr. et Mrs. Palmer en Angleterre, des après-midis sur le green à Chigwell, des balades à Cambridge. Les années ont filé, mais je n’ai jamais vraiment oublié. Va savoir pourquoi. You should try on the net. J’ai écouté le conseil de la jeune fille de Savile Row. Avec ces deux-là, tu en as au moins douze maintenant, a ri Amélie. Tu ne pense pas arrêter ? Il m’en reste au moins une que j’ai pistée sur un site de vente : Rare University of Cambridge 1940s dark purple & dark pink college scarf. Celle-la encore. Après, on dira que mon enfance aura été vengée. Fait un saut chez Georgette. Parlé du temps. Celui qu’il fait et celui qui passe. Il pleut sans discontinuer et son moral n’est pas au grand beau fixe. C’est surtout au moment de se coucher. Il y a tout qui revient, tu sais. Oh oui, je comprends bien. Il s’en bouscule des gens, des moments, des mots, des paysages. Des histoires pas finies. Des phrases en suspens. Nous avons été porter la Twingo au garage de Fabien, à Pontaubault. Il y a des mois que je dois refaire la distribution, les freins, changer les pneus avant. Essentielle petite voiture. Il ne faudrait pas qu’elle tombe en panne. Ma mère l’avait achetée en 2000. Ce sera ma dernière, avait elle dit. Quatre 4L, deux R5 et celle-ci… Nous sommes rentrés à Carolles avec le père de Fabien. Les réparations seront achevées pour le week-end prochain.