Les jours allongent. Oh, ce n’est presque rien, mais je m’en suis aperçu ce matin. Tous les jeudis, je pars tôt pour la fac. Je suis rue Daguerre à peine passé sept heures un quart. Ce sont encore les livraisons. Les portes des camions frigorifiques ouvertes en grand avec les quartiers de bœuf pendant aux crochets, les palettes s’entassant devant le Franprix. Les fruitiers et le poissonnier installent leurs étals. Premiers clients à la boulangerie. Ca vit. Je suis dans les dernières minutes de cette aristocratie des gens debout de bonne heure. Aujourd’hui le ciel avait laché la nuit noire. Il était juste encore foncé, couleur d’encre bleue, éclairé du dedans, avec les nuages qui filaient comme des ombres chinoises. Le temps du trajet en métro, Denfert - Place d’Italie – changement – Censier, et je savais qu'il ferait jour. Vraiment. Enchaîné mes quatre heures de cours avec les étudiants. Questionnaire d’actualité : le dernier sondage sur le Front national, l’assassinat de Chokri Belaïd à Tunis, l’autobiographie de Johnny Hallyday, le grand prix du festival d’Angoulême, David Beckham faisant de la pub pour les slips H&M. Et puis leur parler de culture générale et d'associations d’idées. Du message essentiel, de l'attaque, de la chute et du fameux plan en pyramide inversée. Pas le temps de passer chez Caractères. J’ai déjeuné avec Amélie au Pré Verre. Les propriétaires viennent de changer mais la cuisine reste la même. Au menu, terrine de carottes et langue de bœuf. J’ai échangé de justesse contre salade verte et bavette poêlée. Rentré mettre un peu d’ordre à la maison. Florence a appelé pour le prochain numéro du Monde. Tu aurais un 3500 signes à me proposer ? – Rodolfo Walsh ? Les métiers terrestres, ses nouvelles parues chez Lux... Bon, je vais avoir du travail pour la fin de semaine.