J’ai retrouvé le devis de l’élagueur. Il date de fin août. Je lui ai déjà téléphoné je ne sais combien de fois. Mais il doit toujours terminer un chantier. Et puis il y a la pluie, le vent, la neige. Je passe dans quinze jours. Promis. Depuis le temps… Je lui ai adressé un long message. Je commence à m’inquiéter. Un drôle d’avant-printemps agite le jardin. Le saule marsault est déjà en chatons. En bas du frêne les jonquilles et les jacinthes commencent à sortir. A ce rythme-là, les quelques mille oignons de chionodoxa sardensis que j'ai plantés au pied des épicéas ne devraient pas non plus tarder. Je n'aimerais pas que mes bulbes de printemps aient à souffrir du piétinement et de la chute des branches. Et aussi, j'ai laissé le jardin dans un état épouvantable, les plates-bandes rousses de fanures, les rosiers non taillés, la cour couverte d’un duvet moussu , partout des feuilles mortes. Je me disais qu’il serait toujours possible de démarrer le nettoyage à la fin des travaux. Nous avons passé un week-end paisible. Promenades lentes le long de la falaise. Je profite d’un soleil froid et vif. Je respire. Je me fais l’effet d’être convalescent. Mais c’est tout le contraire qui m’attend. Demain matin, j’ai rendez-vous pour un long examen à l’hôpital et d’ici une quinzaine je devrais débuter sept à huit semaines de traitement quotidien. J’ai pris la décision après consultation en janvier d’un autre chirurgien. Au marché de Granville, Amélie a acheté des saint-jacques et des praires, des huîtres, des homards. Nous les avons trimballés dans le train, bien au frais dans une glacière. Nous avions prévu de dîner ce soir chez Marion et Jérôme avec Claire et Emmanuel, venus passer quelques jours à Paris pour voir comme Gabrielle a grandi. Mais je ne me suis pas senti le courage. Amélie est allée seule embrasser ses parents. Comme ils sont encore là demain, ce n’est que partie remise. Oui, vraiment ce sera mieux demain.