J’ai passé une partie de la matinée à écrire au service des réclamations, pardon, au service des « relations clientèles » de la poste. J’ai pris l’habitude que le facteur, à Paris, ne prenne jamais la peine de sonner si les livres que je reçois n’entrent pas dans la boîte aux lettres de l’immeuble. Il dépose des avis. Ce n’est pas bien grave, juste une petite perte de temps. Sauf que parfois, les paquets en instance se perdent. Là, j’en avais deux à retirer. Et rien à faire pour les retrouver. Le préposé a pris mon numéro de téléphone. On vous appellera. Tu parles… Je le connais par cœur ce « On vous appellera ». On ne m’appelle jamais. J’en étais au point de vouloir ouvrir une boîte postale quand j’ai compris, après une désespérante et kafkaïenne plongée dans les 3631 et 3634, que si ma demande était acceptée, mon courrier ne serait pas à ma disposition rue Daguerre (il n’y a plus paraît-il de boîtes postales dans les bureaux de poste…), mais dans un « centre de distribution », forcément éloigné. J’ai donc fait mon deuil de cette idée. Et d’ailleurs, à la réflexion, il ne me semble guère normal que la solution soit de payer pour être sûr de recevoir ce que des correspondants ont déjà payé pour vous envoyer. Me répondront-ils par courrier ? Je suis allé chercher Nathalie au Comptoir des mots. Déjeuner dans un restaurant sicilien à deux pas de la librairie. La dernière fois que nous nous étions vus, c’était en juin, au moment de ma lecture de Montée des cendres à travers le Père-Lachaise. Nous nous sommes mis à l’aune de nos histoires, de nos bouleversements. De nos projets. Avec elle, sans bien qu’on se connaisse, je me sens en connivence. À bientôt pour ton livre ! Il faisait beau. J’ai traversé le cimetière. Retrouvé naturellement le chemin de la 11e division, le bosquet Delille et la tombe de La Harpe. Je suis entré dans l’enclos. J’ai balayé avec la main les samares du frêne tombées sur la pierre. Enlevé de la pointe d’un bout de bois, la mousse qui recouvrait les lettres de son nom. Une jeune femme un peu plus loin prenait des photos des monuments. Une Américaine. Elle a bien voulu faire quelques clichés de la tombe. Who was he ? J’ai bafouillé un peu d’anglais. And you will send them to me ? Elle a pris mon adresse. J’avais mon cours à Censier. J’étais en avance. J’y suis allé à pied. Longé des rues et des avenues tristes et puis passé la Seine au pont d’Austerlitz. J’ai rejoint la fac par le Jardin des plantes. Ils n’étaient pas très nombreux les étudiants de mon deuxième groupe. Chaque rentrée de semestre, il y en a toujours qui s’égarent dans les couloirs, qui ne retrouvent pas la salle, qui ne sont plus très au clair avec leurs inscriptions. J’étais de ceux-là. Passé en coup de vent au pot de départ de Robert Solé au Monde des Livres. On se sera finalement peu parlé, m’a-t-il dit. J’arrivais un peu comme les carabiniers d’Offenbach. Plus beaucoup de gens. Plus grand chose à boire. Un fond de rhum, du cognac. J’ai trinqué. Bonne chance ! C’était idiot. Je ne sais pas quelle genre de phrase il faut prononcer dans ces occasions-là. J’aurais mieux fait de lui parler de son prochain livre qui sortira en mai. Comme le mien d’ailleurs... Je manque décidemment d’à-propos.