Nous sommes réveillés tôt. Il n’y a pas encore de rideaux aux fenêtres. Un vrai soleil de printemps, jaune vif, éclairait l’impressionnant désordre. Je suis allé chercher le pain du petit déjeuner rue Daguerre. Un bouquet Monsieur ? Muguet et lilas à la sauvette. Ici, tout m’est familier. Rien n’a changé ou presque depuis cinq ans, dix ans, vingt ans. Et davantage encore. Les mêmes vendeurs à la poissonnerie, chez le marchand de légumes, la même brûlerie à l’angle de l’avenue. Je croise des visages. Un sourire, un signe. Je suis en connaissance. J’ai accroché si longtemps ma vie à ce coin de ville. Je voulais y habiter parce que j’y étais né. Et faire de ce hasard un véritable ancrage. Adolescent à Senlis, je regardais le plan et je rêvais au nom des rues. Je me traçais des chemins d’avenir qui partaient de cette maternité de la rue Ducouédic. Des carrefours et des boucles. Hallé et Tombe-Issoire. Froidevaux. Denfert-Rochereau. Je suis arrivé dans le XIVe en 1978 et je ne l’ai plus quitté. Des années. D’un bord de vie à l’autre. Mon divorce m’en a arraché. Je reviens aujourd’hui. Amélie m’y ramène. Tu sais, depuis que je suis à Paris, j’ai toujours eu envie d’habiter par ici… Il n’y a plus de hasard. Son désir de vivre me rend à moi-même. Chaque jour. Chaque instant. J’ai croisé Olivier, le libraire de la rue Boulard. Alors, de nouveau dans le quartier ? Ca faisait un moment…