J’avais tenu le secret jusqu’au bout. Pas un mot à Amélie sur la destination du voyage que j’avais organisé depuis longtemps pour ce week-end. Rien dit quand le taxi nous a déposés Gare du Nord. Rien dit dans le Thalys. Rien non plus à Bruxelles alors qu’elle voyait bien que nous continions le trajet. Nous sommes descendus à Liège, là où nous étions retrouvés, il y a longtemps, avec d’autres, au voyage de presse organisé par Brigitte pour la sortie du premier volume des Romans de Simenon dans la Pléiade. Comme on se raconte son histoire et ses sources fragiles. Il ne s’était rien passé d’autre que d’avoir été ensemble. Mais quand même… J’étais revenu là-bas pour un reportage de deux jours. Je m’étais dit alors que j’y retournerais. C’est fait. Ciel gris bleu. Quelques averses froides. Nous nous sommes promenés dans Outremeuse. Avons traîné un long moment dans la boutique du bouquiniste de la place Saint-Pholien où j’ai acheté l’édition de 1926, chez Crès, de La chanson d’Eve de Charles Van Lerberghe. Et, tout d’un coup, dans le son de ma voix,/ A travers l’air plein de chants et de roses,/ Celle qui de son souffle, anime toutes choses,/ Doucement vint vers moi… Entrés in extremis aussi, avant la fermeture, au théâtre-musée Tchantchès, rue Surlet. Arnaud, un des montreurs de marionnettes nous a fait passer derrière la scène du castelet où étaient accrochés ingénues, chevaliers, diables et sorcières. Nous avons bu le péquet, échangé nos adresses. Déjeuné à deux pas. L’après-midi en promenade, vieilles rues et boutiques, sous un temps qui se retenait pour nous laisser flâner. C’est sur la place du marché que s’étaient rencontrés, vers les années 1870, mon arrière-grand-père Louis et mon arrière-grand-mère Louise. Il était placier, elle servait dans un estaminet…