Nous avons dû avancer notre retour à Paris. On s’est quittés un peu bizarrement à la gare. J’avais rendez-vous au marché de la poésie place Saint-Sulpice avec Guy Goffette pour un portrait dans Le Monde. J’ai eu le temps, avant, d’aller embrasser Jeannine sur son stand de la Fondation Maurice Carême. Elle est toujours aussi vaillante, bavarde, rieuse. Toujours à faire rayonner l’œuvre et la mémoire de son cher grand homme. Elle aura finalement passé plus de temps avec son ombre qu’avec lui vivant. Vous venez quand me voir à Bruxelles ? J’ai emmené Goffette au Café de la mairie. La terrasse était pleine. Nous avons bavardé presque deux heures coincés à une table minuscule au fond de la salle. Son enfance, la Gaume, les livres. On entendait dehors la cacophonie des orchestres de la fête de la musique. Déjà l’été… Presqu'elles, son dernier recueil de « récits », laisse cette impression troublante de déjà vu-déjà vécu. De petites expérimentations intimes, personnelles, partagées. Des femmes croisées, sans paroles ou si peu. Elle regarde par la vitre le paysage monotone. Je vois son cou très lisse, le tendon de son cou, un morceau de sa nuque, un morceau pâle sous la masse noire des cheveux. Il publie aussi un long poème, Tombeau du Capricorne, dédié à Paul de Roux, poète, aujourd'hui, à la mémoire morte et aux mots empêchés. J'ai quitté Goffette à regrets... Retrouvé Amélie avec Marion et Jérôme au MK2 de la rue Jules Chaplain pour voir le film de Tavernier, Dans la brume électrique, tiré du roman de James Lee Burke, paru chez Rivages à fin des années 1990. Je suis resté, à mon corps défendant, très spectateur de l'histoire. Sans émotion. Je ne sais plus aller au cinéma, en fait. Nous avons dîné dans un chinois juste à côté. J'aime bien les soirées avec Jérôme et Marion. On apprend juste à se dire des riens. Je n'en finis pas de m'apprivoiser.