J’ai fait une courte interview téléphonique d’Ariane Chemin pour le site d’Hachette. Journaliste au Monde et maintenant au Nouvel Observateur, elle a publié en avril Fleurs et couronnes chez Stock. Le livre fait le récit curieux de six enterrements. Aucun voyeurisme, rien de morbide. La fidélité, l’hommage, simplement. L’écriture est particulièrement sensible. Et surtout juste. Funérailles officielles, funérailles de gens célèbres. De pauvres aussi. Elle parle notamment de celles de Rafaël Kuderski, « l’inconnu de la Concorde », ce SDF retrouvé mort de froid en décembre 2007 dans les bosquets de l’avenue Gabriel et auquel elle était parvenue, au terme de son enquête de terrain, à rendre un nom, une identité. Elle commence son petit cortège funéraire avec Gérard Brach, le scénariste de Polanski. Je le connaissais. Nous nous voyions souvent du temps de mon travail de rédacteur en chef de Point de Vue, quand je fréquentais La Marlotte, rue du Cherche-Midi. Il habitait à deux pas, rue de Bérite, et venait y déjeuner tous les jours, ou presque, avec Elisabeth, sa femme. C’était sa seule sortie de reclus volontaire, effrayé à l'idée même d’affronter le dehors. Lucie nous avait présentés. Je m’installais quelquefois avec eux à la table ronde de l’entrée. Il m’avait parlé de son passé de très jeune homme se retrouvant tragiquement du « mauvais côté » à la fin de la guerre. Lucie a vendu La Marlotte. J’ai été licencié. Je n’étais plus dans le quartier depuis un moment quand, un jour, j’ai croisé Elisabeth. Gérard est très fatigué. Vous devriez passer le voir. Ca lui ferait plaisir. Je n’y suis jamais allé. Il est mort à l’automne 2006. Je l’ai retrouvé dans le livre.

Un verre de kir chez Georgette un peu avant midi. Servez-vous, vous savez où c’est. Elle a pris la décision de balayer ses inquiétudes. De les oublier plutôt. Complètement. A côté du téléphone, elle avait noté la date du scanner à la polyclinique d’Avranches : mardi 23 juin. Je me suis hasardé. Tu as finalement pris un rendez-vous ? – Oh, ça je ne sais pas, il faut demander à Josette. Je ne m’occupe plus de ces choses. Je ne me souviens plus de rien maintenant… J’ai rempli les mangeoires des oiseaux. Nourri les poissons. Ramassé les figues tombées sur la terrasse et dans l’herbe. Amélie était un peu préoccupée. Elle commence sa première journée de travail chez Liana Levi demain. Nous rentrons à Paris ce soir.