Nous avons passé la journée avec Géraldine, la filleule d’Amélie. Elle va avoir douze ans la semaine prochaine. Nous avions prévu de l’emmener au théâtre, mais elle devait être de retour à Issy-les-Moulineaux en milieu d’après-midi. Des kilos de devoirs. Des maths et du latin et puis d’autres matières. Il faut qu’elle s’avance. Elle est en cinquième. Je ne garde pas un très bon souvenir de cette classe-là. Ni de la sixième d’ailleurs. Ni de la quatrième non plus. Comment dit-on déjà ? Premier cycle du secondaire. Tout ce qu’on vous y fait faire… Elle a beau bonne élève, Géraldine, je crois que ça l’ennuie. Qu’elle s’en ennuie plutôt. Nous avons essayé de faire glisser un peu cette angoisse du dimanche, cette angoisse familière. Amélie lui a donné ses cadeaux, un petit sac confectionné par la couturière de Carolles. Un pull Saint James tout rose et des livres à la pelle. Nous avons déjeuné dans une pizzeria du VIe et faute de théâtre nous avons décidé de faire un tour à la ménagerie du Jardin des plantes. Je n’y avais pas mis les pieds depuis l’enfance de Marie. Plus de lions et plus d’ours. Pas bien vu les girafes. Mais c’est bien les mêmes crocos et les mêmes boas. Les mêmes vautours en cage, le même dromadaire. J’adore les animaux. Géraldine rêve de chats, de chiens, monte à cheval et veut devenir vétérinaire. Brève visite à la Grande galerie de l’évolution. C'est un endroit magique. Je ne m'en lasse pas. Il y aurait là près de sept mille spécimens. Géraldine commençait à craindre d'être en retard. Mais elle était impressionnée par la longue caravane des animaux : les éléphants, les girafes, les gnous, les buffles, les antilopes, les zèbres. Et les lions, les guépards, les panthères. J’ai traîné tout le monde à l’avant dernier étage voir la salle des espèces disparues. Derrière les vitrines on aperçoit d'étranges fantômes d'animaux qui n'existent plus. Je serais resté longtemps, longtemps à regarder l'oeuf d'aepyornis, un gigantesque oiseau, disparu de Madagascar au XVIIIe siècle et dont il ne reste rien d'autre au monde que ce vestige, tellement symbolique. Qui était au commencement ? Vieux débat toujours recommencé. Quatre heures et demie passées. On a pris un taxi pour rentrer. Au revoir. Merci. Elle a foncé à ses devoirs. Oh, que je n’aimerais pas me trouver à sa place.