Dernier enregistrement de Jeux d’épreuves de l’année. Il sera diffusé le 10 janvier, je crois. Nathalie défendait Ramon, le livre que Dominique Fernandez a écrit sur son père. J’étais très jeune lorsque j’ai découvert L’arbre jusqu’aux racines. Pas tout à fait dix-sept ans. J'étais bien loin d'avoir tout compris à cet essai vers lequel j'étais allé à cause du titre. Mais j'y avais trouvé comme un assentiment, une confortation à mon introspections permanentes, à l'épluchage inquiet de mes origines. Fernandez depuis ne m’a plus quitté. Avec des engouements divers suivant les textes, mais à chaque fois, quand même, j'étais séduit par ses allers-retours, sa manière de rouvrir sans cesse les cicatrices. La vivacité contenue en éclatante sourdine. Avec ce Ramon qu'il publie à presque quatre-vingts ans, je retrouve tout, ensemble. Tout ce qui le gêne, le libère et le blesse. Et je comprends vraiment, j'allais dire : enfin, ce qui a fait de lui un écrivain. C'est peut être naïf ou ridicule, mais j'ai eu le sentiment d'être confronté à une intensité inouïe de cette vérité, absolue, personnelle, qui fait et qui fonde, pour moi la littérature. Les pères sont des traîtres à qui il faut pardonner. Je vois poindre le moment où il me faudra me pencher sur la biographie du mien. D'une manière ou d'une autre. Jusqu'ici, j’ai éludé sa vie, n’en gardant que les moments qui ne me dérangeaient pas. Juste un gué d’existence pour parvenir à franchir son absence. Je n’ai pas posé de questions non plus pendant les douze ans où je l’avais retrouvé. Aurait-il répondu d’ailleurs ?

A cette émission, j’avais amené une autre histoire de filiation, plus foldingue celle-là. Cheval de Richard Morgiève raconte les exubérantes aventures d’un père et son fils, forains et ferrailleurs dans les années soixante. Des affreux et des sales. Surtout pas des méchants. Ecriture de latex et de fil de fer souple. Ca se tord en tous sens, juste parce que c'est tendre. J’ai rencontré Richard en septembre 2005. Un portrait pour Le Monde. Depuis, on s’est revus. Nous sommes allés plusieurs fois dîner avec Alice et lui dans leur drôle de maison du XIe. Ce qui nous rapproche c’est qu’on écrit finalement chacun des livres de petits garçons. Je suis passé prendre Amélie pour le pot de fin d’année de chez Robert Laffont. Embrassé. Serré des mains. Bu du champagne. Cette soirée est, à chaque fois, très amicale, très bon enfant. Nous avons revu plein de gens. Parlé projets aussi. Le temps s’en va devant...