Un café dans un gobelet de carton à un vague comptoir, sur le quai, gare de l’Est. Tout a changé ici encore. La salle des pas perdus est devenue un hall de boutiques, de vêtements, d'épicerie fine, de gadgets. Je ne reconnais rien. Nous allions à Metz, au grand séminaire pour voir l'abbé Dukiel qui doit nous bénir cet été. Nous avions parlé avec lui en juillet dans l'après-midi de la fête des dix ans de mariage de Marcus et Virginie au château de Menton. Il gelait à pierre fendre dans la cour où il est venu nous chercher. De longs corridors, des portes, du parquet ciré, du silence. Il nous a reçu dans son appartement tout au bout d'une aile du vieux bâtiment. Depuis combien de temps n'étais-je pas allé voir un prêtre chez lui? Ca m'est revenu en vagues. Des souvenirs de collège. Cette atmosphère close et douce. J'ai retrouvé d'un coup l'abandon, la confiance. Quel temps ai-je à rattraper? Nous avons parlé de nous, chacun et puis ensemble. Evoquer les coïncidences, les signes. Reconnaître la Grâce. Ceux qui veillent sur moi au delà des années. Nous avons déjeuné dans une petite salle à manger aux murs tendus de jaune. Rapide tour en ville. André Dukiel nous a emmené visiter la cathédrale Saint-Etienne. Fascinant. C'est, nous a-t-il expliqué, le sanctuaire qui possède les plus hautes verrières gothique d'Europe. Des vitraux du XIIe, du XVIe et puis ceux de Chagall, de Villon, de Bissière... J'ai pensé à ces vers de Jean Cayrol : Je sens déjà sur moi l'éclatante rosée/ une sorte de nacre se dépose sur nos joues/ Ecoutez, c'est le vent qui va nous délivrer./ Nous passons le détroit et puis après c'est Vous/ Mon Dieu... Dans le train du retour où Amélie dormait, paisible et épuisée, ils me revenaient comme une ritournelle. Nous avons dîné avec Jérôme et Marion. Elle habite un grand studio rue du Faubourg-saint-Honoré. Curieux quartier, tout en façades et en idées qu'on s'en fait. J'y ai travaillé vingt ans presque. Assistant social dans le service de psychiatrie de secteur d'abord, puis à Point de Vue, les premières années, avant que le journal déménage rue du Bac. Visites à domicile dans les loges de concierge et les sixièmes étages. Rendez-vous policés avec ceux de la Haute. Marion est juste en face du Cercle Interalliée. Vous n'avez pas de cravate Monsieur? On peut vous en prêter... Nous avons passé une jolie soirée. Après le choc de sa mise à pied, il souffle juste un peu. Il se sent en vacances. Et Marion est charmante.