J'ai envoyé les étudiants faire un micro trottoir dans le quartier de la fac, histoire de mettre en pratique ce que je leur ai dit sur les techniques d'interview. Mais ça sent la fin de l'année. Les partiels et les vacances. Vivement le second semestre pour recommencer autre chose. Je suis juste repassé chez Buchet avant d'aller à la réunion des représentants. Cela se passait place Saint-Germain à la Société d'encouragement pour l'industrie nationale. Drôle d'endroit. Délabré. En travaux. De ces travaux dont on sent qu'ils durent et qu'ils vont durer. La salle était sinistre, poussiéreuse, Une estrade, des chaises en plastique et sur les murs, tout autour, vestige d'une splendeur académique passée, les portraits rigides de sociétaires encostumés et décorés. J'ai présenté mon Marguerite Audoux : Douce Lumière, son dernier roman, tout chargé d'émotion triste. Cinq minutes pour convaincre. J'espère que j'y suis arrivé. Amélie est passée me prendre. Nous sommes allés à une remise de prix à la Société des gens de lettres. Je voulais surtout voir Mathias qui avait obtenu quelque chose pour Zone, mais il était au fond de son lit. Les maladies d'hiver arrivent. Pourvu que je passe au travers. Discours, cocktail. Nous ne sommes pas restés longtemps. Amélie avait réservé une table à El Fogon. C'est là que nous nous étions rencontrés il y a dix ans pour l'anniversaire de Catherine. Enfin pas tout à fait puisque le restaurant a déménagé de la rue Saint-Julien-le-Pauvre au quai des Grands-Augustins. A l'époque nous ne nous étions pas beaucoup parlé. Il aura fallu bien des années. N'empêche, cela donne de l'antériorité à notre histoire. Et comme une très douce légitimité.