J’avais tout oublié pour mes cours aujourd’hui. Les travaux à rendre, les feuilles de présence, de notation. Ca ne fait pas très sérieux. Tant pis. Le semestre n’avance pas si mal. Les étudiants parviennent maintenant à faire des revues de presse de bonne qualité. Je les sens plutôt contents, assez mordus par l’actualité. Des retards de trains jusqu’à l’arrivée des « anarchistes », nous avons débattu de l’étonnant traitement de l’information à propos des sabotages sur les caténaires de la SNCF. Je vais pouvoir les envoyer bientôt faire de petits reportages… Je suis repassé en vitesse chez Buchet. Sur mon bureau m’attendaient mes exemplaires de La mort de ma mère. Deux mois et demi avant la sortie en librairie, il faut commencer à penser aux envois. Raphaël m’a gentiment demandé de lui en dédicacer un. Il a été très enthousiaste pour mon texte dont il avait lu les épreuves il y a un mois ou deux. Pour moi, c’est étrange. Je regarde la couverture bizarrement. Je n’ose pas l’ouvrir. Je ne sais pas quoi en penser. Je suis allé prendre un café avec Raphaël. D’une certaine manière, je voulais qu’on change de conversation... Nous avions prévu d'ailleurs qu’il me raconte sa rencontre avec Jean-Pierre Martinet du temps où il avait édité Jérôme au Sagittaire. Des bribes de vies, là, se dessinent peu à peu. Je vais téléphoner à Alfred Eibel pour en connaître encore. Je reste très impressionné, très remué, par ce livre, Jérôme. Si tout va bien j’écris le papier pour Le Monde dans le courant de la semaine prochaine. Des gens du Monde, il y en avait pas mal à la librairie Compagnie où j’ai retrouvé Amélie en début de soirée. C’était pour la sortie des Actes des assises internationales du roman chez Bourgois. Nous sommes restés un moment avant de nous rendre avec Joëlle chez Hélène et Bertrand, boulevard Beaumarchais. Ce sont eux qui auraient dû venir dîner rue Saint-Charles, mais rendre l’appartement plus tôt que prévu a interrompu brutalement nos invitations. Je partage avec Bertrand les années des petites classes au collège Saint-Vincent. Nous avons découvert cela par hasard l’an dernier. Il est mon aîné de peu et nous nous y sommes probablement croisés. Nous avons des souvenirs proches. Des instants, des visages. Surtout, nous en parlons avec le même malaise sourd. Le même sentiment de révolte. Le même écoeurement. J’ai besoin que nous en parlions ensemble vraiment si je veux recommencer le livre que j’avais déjà bien commencé puis jeté quand ma mère est morte…