Je rêvasse, je ressasse, mes pensées s’effilochent. Incapable d’aller vraiment au bout des phrases. Tout reste en suspens. C’est si lent… Au soir, je suis sorti couper les branches du thuya qui barraient l’allée des Fontenelles. Rue Jacques-Simon, Noëlle était sur le pas de sa porte. Elle est arrivée samedi. Toujours dans les travaux, les rangements sans fin depuis la mort de sa mère. Les cloisons sont posées à l’étage. Elle a maintenant deux petites chambres. Un nouveau territoire qu’elle a arraché au gigantesque désordre de meubles, de tableaux, de livres, de linge qui l’envahit. Je comprends si bien la difficulté douloureuse qu’elle a à déplacer le moindre objet. A chaque fois, c’est un nouveau tabou à transgresser. Un nouveau sacrilège. Sa mère a vécu là si longtemps dans l’ombre de son propre père. Gardienne fidèle de sa mémoire. Le grand-père peintre, la mère dont on voit le portrait à tous âges sur les toiles et tous ces sédiments de la vie vieillissante… Il faut un grand ménage. Nous avons pris un verre. Elle viendra dîner à la maison après-demain.