Les corps viennent de Chine. Il paraît que ces gens les auraient offerts à la science. Qu’est-ce qui m’a pris d’entraîner Amélie voir cette exposition à la Sucrière.... On y voit des cadavres, des écorchés comme ceux de Fragonard, mais bien réels, des êtres « plastinés », les muscles détachés et les os apparents, les viscères à l’air. D’autres coupés en tranches. En longueur, en largeur. Des poumons, des foies, des couilles. Dans les allées, les gens se promènent en famille et avec leurs enfants. La justification de tout cela ? La pédagogie… Tu parles, c’est l’horreur médicale, le mépris carabin. Enfin juste et surtout une affaire d’argent. Cet odieux barnum a déjà tourné dans pas mal de pays du monde. Je suis étonné d’être aussi choqué, moi qui traîne aux cimetières, qui vais aux catacombes, qui rêve aux momies, aux reliques de saints. Vraiment pas la même chose. Quand je pense que j’anime demain « Tabou et transgression »….

Côté tables rondes, Jean-Yves Cendrey participait à elle intitulée « Invention/ Intervention ». Il est intervenu avec une sincérité rageuse qui fait du bien. Revenant à plusieurs reprises sur la compassion et lui tordant violemment le cou. J'ai eu peur sur le moment d'avoir écrit le mot dans mon papier du Monde. Mais je me suis souvenu que, précisément, je l'avais enlevé. Ouf... Nous avons pris un verre ensemble après les débats et parlé jardinage. La maison du Sud-Ouest qu'il a gardé malgré son départ à Berlin est aussi envahie d'herbes folles. Bosquets d'orties. Jets de sureaux.

Nous sommes rentrés à l'hôtel sous la pluie. C'est un vieil établissement 1900 près de la place de la République. Refait en faux plafonds brillants. Les fauteuils recouverts de velours de nylon et la moquette à fleurs. Il reste la cage d’ascenseur monumentale, un peu de stuc et des colonnes, les vitraux de l’entrée. Le charme est toujours en sursis.