Je craignais le pire. Je voyais déjà le potager envahi d'herbes folles. Mais les carrés ont plutôt bien tenu. A peine se sont-ils recouverts d'un duvet vert qu'il a été facile d'éliminer au sarcloir. Les feuillages des pommes de terre ont déjà dix bons centimètres de haut. Les oignons sortent de terre. Les plants de tomates se sont redressés. Les rosiers anciens récupérés de l'ancien jardin de Georgette à L'Humelière sont couverts de fleurs lourdes et parfumées. J'ai d'ailleurs encore oublié en lui en apportant un bouquet de lui en demander le nom. A la maison, nos variétés s'appellent Caura, Cecile Brunner, Etoile de Hollande, Tess d'Arbanville, Generous gardener... J'en oublie. Je vais attacher des étiquettes aux tiges. Aux Fontenelles, nous avons bien travaillé. Amélie a arraché les orties, éclairci les radis. J'ai dégagé une nouvelle bande nette et étroite pour trois pieds de potirons. La friche est entamée. L'honneur est sauf... Emmanuelle qui raccompagnait son frère Fabien à Carolles est venue nous rejoindre. Il y a à peine plus d'un an qu'elle a quitté définitivement Paris pour s'installer à Agon. Elle travaille à distance. Fait des dossiers de presse, gère des manifestations. Et à la moindre occasion s'en va faire un tour sur la plage. Elle a l'air si bien de ce changement que cela fait, à la voir, un immense plaisir et qu'on a envie simplement de rester à la regarder, heureuse. J'ai cueilli pour elle quelques boutures d'hydrangea grimpant, petiolaris, chez Perron. Ce n'est pas le moment, mais avec un peu de chance... J'ai téléphoné à Marie en fin de journée. Dans le bac, sous la gouttière, ses deux poissons sont morts. Apollon, le cyprin jaune d'or a disparu, probablement emporté par un oiseau. Arès, le voilier tacheté de blanc et de rouge a agonisé, ventre en l'air, tétant l'eau pendant des heures. J'ai jeté son petit cadavre dans la haie des clématites et des chèvrefeuilles.