Il a plu sans discontinuer. La cour détrempée. Les ornières et les flaques. J'ai planté sous l'averse les pervenches de Jean-Jacques Rousseau devant la maison. Longue conversation avec la peintre, qu'à force de harcèlements j'ai fini par avoir au téléphone. Je n'arrive pas à hausser le ton. Ce serait sans doute utile. Encore quinze jours de délai, annonce-t-elle. Et ce n'est pas tout. Nous voilà partis aussi pour un tas de tergiversations au sujet des finitions. Je sens que vais être là en juin tout autant pour faire le chef de chantier que pour écrire. Ca me désespère. Je ne suis pas très doué pour l'exercice du Je veux et j'exige. Plus d'un an maintenant que cette maison est en travaux. Que la poussière de bois et de plâtre s'insinue partout. Que tout est enfermé dans des malles, des cartons. Que les armoires sont pleines. Que les livres ne sont toujours pas classés. Du coup, je me suis lancé dans le rangement de la cuisine. J'ai mis de l'ordre dans les placards, dans le vaisselier. Fait de nouveau cartons surtout que j'ai mis au garage. Je devrais jeter. Je n'y arrive pas. Je ne peux pas mettre à la poubelle les couverts dépareillés, les cuillères en bois usées et les vieilles casseroles qui viennent de Senlis. Je garde la bouilloire percée, pleine de vert de gris de ma grand-mère Angèle. Les canifs rouillés de Joseph. Le plateau en métal piqué, la salière ébréchée, les sous-verres défraîchis et toutes ces babioles que maman ramenait à chacun de nos voyages d'été en Angleterre. Abandonner les objets? Plus tard. Encore un peu... Bric-à-brac de brocante. Le passé m'envahit comme le lierre et les ronces.