Georgette est de plus en plus fatiguée. Nous sommes allés lui porter ses courses tout à l’heure. Les cousins sont passés. Du coup, ça lui fait trop de monde en même temps. Tout lui demande un effort. Alors, elle n’écoute plus vraiment, elle s’absente, se retranche, s’indiffère doucement. Il reste si peu de choses. N’oubliez pas les œufs ! a-t-elle dit quand nous partions. C’est devenu un rite. Chaque semaine, Marie-Thérèse lui en apporte une douzaine. Elle en met la moitié de côté pour nous. Nous les mangeons à la coque le soir même. Le jaune, couleur bouton d’or, est incroyablement ferme. Il y aurait un secret paraît-il. N’oubliez pas les œufs ! Une petite phrase fétiche. Lorsque je lui téléphone, la communication excède rarement les trois minutes. On commente surtout la météo. Mais à chaque fin de phrase, elle me répète : Tu n’oublieras pas d’embrasser Amélie ! Ne pas oublier… Sois tranquille, je n’oublie rien du tout. Ton petit appartement de l’avenue Cordonnier à Roubaix, où bien calé dans le divan je regardais les planches du grand dictionnaire Larousse ; ton Solex, ta Deux Chevaux grise ; les vacances à Saint-Gervais, à Pleubian, à Villeneuve-de-Berg, aux Grandes-Dalles ; tes disques de Jacques Brel, tes Royales rouge et ton vin de framboise ; ton amour des fleurs, tes leçons de jardinage.

Nous sommes passés aux Fontenelles arroser les bettes, les radis, les tomates. Demain, Amélie sera toute la journée avec ses auteurs de L’Olivier au festival de Saint-Malo. J’irai faucher l’herbe dans le terrain et je finirai de préparer mes tables rondes pour Chambéry. En l’attendant….