J'ai déjeuné avec Marie ce midi. Je suis allé la chercher à sa nouvelle adresse parisienne. Un mois qu'elle a quitté Besançon. Sans regrets. Je crois qu'elle y a été bien moins heureuse en fac qu'aux Beaux-Arts à Cherbourg. Là-bas, pendant ses trois années, elle s'est, il m'a semblé, vraiment sentie indépendante. Arrachant à la vie un bon morceau de liberté et de création. Elle y a réalisé d'hallucinantes installations. Je me souviens d'un parcours barbelé au milieu de meubles calcinés. Quelle force singulière, quelle puissance d'évocation... Ca m'avait remué de fierté et d'émotion. L'école des Beaux-Arts était installée dans les anciens locaux d'une congrégation religieuse. C'est dans un internat catholique du XIIe arrondissement qui offre quelques chambres pour étudiants qu'elle a trouvé aujourd'hui à se loger. Sa fenêtre donne sur une vaste cour avec au centre une chapelle à fronton et à colonnes. Il y a de longs couloirs, de grands escaliers de chêne. Je lui ai envié un peu ce lieu d'un étrange calme. Nous sommes descendus jusqu'à la place d'Aligre. Je voulais l'emmener au Baron rouge, mais le bistrot était fermé. Tous les commerces alentour aussi. Nous avons échoué Faubourg Saint-Antoine. J'avais oublié que nous étions lundi.