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dimanche 1 mai 2022

Dimanche 10 avril 2022. 21h00.

Nous avons profité de la voiture pour faire un saut jusqu’à Saint-Cloud, voir Marion et les enfants. Mon Dieu, que je déteste la banlieue. Tout y est lourd d’un ennui contagieux.

Samedi 9 avril 2022. 17h00.

J’ai été déposer la chienne chez Séverine. Court week-end. Amélie est arrivée hier midi et nous partons demain matin à Paris en voiture juste après avoir été voter. Je vais chercher le paon.

Vendredi 8 avril 2022. 9h30.

Il y a 101 ans aujourd’hui que mon grand-père François est mort. Ses reins ne fonctionnaient plus. Il s’est éteint à soixante-trois ans dans sa maison de la Guérinière. Au 24 ou au 26. Mon père m’avait montré l’endroit de manière évasive et à l’époque j’étais assez avare de questions. Les numéros correspondent à deux logements distincts séparant maintenant le bâtiment. Occupait-il l’ensemble ? Je ne sais peu de choses de ce grand-père finalement plus jeune que moi. J’ai mis tout ce que j’en avais compris dans L’officier de fortune. La brouille tôt avec son père, l’engagement dans la Marine et puis les destinations lointaines, la Cochinchine, le Japon. Il avait épousé à la quarantaine une jeunette de vingt-quatre ans. Ma grand-mère Marie, que j’ai connu enfant mais dont je garde peu de souvenirs, était la nièce de sa belle-sœur Pauline, la femme de son frère Emile. Une manière de s’arranger. A la retraite, on l’avait nommé garde maritime à Carolles. Il sera le dernier. Je pense souvent à lui. J’ai cru comprendre, pressentir, qu’il avait passé sa vie à se taire. Et qu’il n’était heureux qu’au grand loin, au grand large ou sur la grève d’ici qu’il arpentait du lever du jour à la nuit. L’an dernier, j’ai raté le centenaire de sa disparition. Je me raccroche aux branches.

(…)

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Dimanche 3 avril 2022. 23h45.

Amélie est repartie à Paris. Je mets ma semaine entre parenthèses. Ecrit un papier sur la Ballade du vent et du roseau de Christian Viguié. J’apprends à être là/ entre ta présence et ton absence/ avec un cœur qui bat/ au rythme du soleil et du vent.

Jeudi 31 mars 2022. 22h20.

J’ai reçu plusieurs messages de Pierre Gilloire depuis fin février. Il me demande de l’aider pour la publication de son dernier manuscrit Eloge de l’impalpable. Un texte d’une délicatesse extrême où il évoque les sables, les cendres, les neiges, les brumes, le vent, le silence. C’est sans cesse effleuré d’émotion. Ca hérisse doucement. J’avais fait un papier il y a très longtemps sur son Cahier du bord de l’eau paru en 2003 chez Buchet. Chez lui, la montagne, le désert, les rues, les villes, tous les paysages, font corps avec le récit. Il écrit chemin faisant. Aujourd’hui il m’adresse une copie définitive, chaque mot poli comme un galet. Je sais à quel point cette publication est importante pour lui. Il a quatre-vingt-huit ans et me parle du poids des ans. Je suis embêté. Je crois qu’il me prête un entregent dans l’édition que je n’ai pas vraiment. Mais je ferai ce que je pourrai. Nous sommes voisins. Je n’ai que la rue Boulard à traverser pour aller lui rendre visite. Ce que je ferai une prochaine fois que je viendrai à Paris. Il a neigé un peu. Et tout a fondu au soleil en moins d’une heure. Amélie est arrivée par le train du soir. J’avais préparé un tartare de dorade grise.

vendredi 29 avril 2022

Mercredi 30 mars 2022. 18h15.

Amélie est allée chercher mon paon au magasinage de Drouot. Une vraie expédition. Elle me jure que ça ne lui coûte pas et qu’elle adore se balader dans les sous-sols de la salle des ventes. C’est un endroit qui ressemble au bric à brac d’antiquités entassé par les frères Loiseau dans la crypte de Moulinsart. Encombré, étrange. J’étais allé y récupérer mon édition originale de la traduction française d’Alice. Amélie est maintenant presque une habituée de l’endroit. La dernière fois qu’elle y est descendue c’était pour un (petit) requin à pointes noires (Carcharhinus melanopterus). Il est maintenant suspendu dans le couloir près du gros poisson globe. Le paon, lui, attendra à l’appartement que je vienne à Paris en voiture.

Mardi 29 mars 2022. 17h00.

Sylvie m’a demandé de rédiger un bref communiqué de presse sur Sylvain Tesson qui est président du Festival du livre de Nice (il devait l’être il y a deux ans mais la manifestation a été annulée pour « raisons sanitaires »). C’est donc reparti pour un nouveau dossier de presse à boucler, faute d’informations, sans doute à la toute dernière minute. Cela fait dix ans que je me plie à l’exercice. Alors que je ne suis allé là-bas pour de bon que cinq ou six fois dans ma vie, je commence à connaître la ville par cœur. Pris rendez-vous avec l’ophtalmo. Une nouvelle dame, un peu rigide, qui m’a convaincu la dernière fois de passer à des verres progressifs. Il faudra vous y habituer ! Sauf que je ne m’y habitue pas et, qu’en plus, je vois mieux au loin sans lunettes qu’avec. L’opticien a modifié des réglages, changé les verres. Ca ne va pas mieux et je me retrouve à porter mon ancienne paire toute rafistolée et rayée.

Dimanche 27 mars 2022. 23h20.

J’ai raccompagné Amélie à la gare. Je fais durer le trajet du retour en voiture avant d’entrer dans la « vraie » séparation. Ce moment où j’ouvre la porte de la maison et où je me retrouve seul avec la chienne. Petit temps de latence. Je me suis mis à mon papier sur Rivière, le dernier texte de Lucien Suel. Une histoire très simple, très intérieure, très personnelle, sur l’absence, le deuil, les saveurs douces-amères du passé et le lent raccomodage à la vie. C’est cousu, parfois d’un rien, à ses autres romans. Et comme toujours chez Lucien Suel, au creux, au centre, il y a un jardin.

Samedi 26 mars 2022. 21h30.

Avec Joëlle et Jean-Paul Kauffmann, lors du déjeuner « champêtre » au Prieuré (en plein milieu d’un pré couvert de boutons d’or), nous avons, entre autres, abordé l’inépuisable sujet des huîtres, de la région, du bassin d’Arcachon, du Sud. Chausey, Cancale, Marennes, Bouzigues, tant d’autres. Après la rencontre, ils rentraient à Saint-Malo par la route de la Baie. Dans la suite de la conversation Amélie a reçu, tout à l’heure, un message nous donnant l’adresse de Boutrais, ostréiculteur à Saint-Méloir-des-Ondes. Il produit l’Ostra Régal, une huître née en France, élevée dans une conche d’Irlande et qui (comme la Gillardeau) développe une belle chair légèrement sucrée, au goût de noisette. Un peu qu’on va essayer !

Samedi 26 mars 2022. 19h50.

Je crois n’avoir jamais chroniqué qu’un seul titre de Jean-Paul Kauffmann, La chambre noire de Longwood, paru en 1997 à la Table Ronde, roman narratif de son séjour à Sainte-Hélène sur les traces de l’empereur déchu et exilé. Les traces. Ca m’avait happé à l’époque. Je suis hanté par la disparition. Je recherche sans cesse « ce qui reste ». A l’époque je m’étais senti immédiatement en cohérence, familier, avec cette quête. J’étais allé très vite à son texte précédent, L’Arche des Kerguelen. Cette manière de fondre le lointain et l’intime, l’histoire et les paysages, l’âpreté et une mélancolie douce, presque berçante, allait fouiller très profond chez moi. Depuis j’ai lu tout Kauffmann, dans la même proximité. C’est mon émotion que j’avais envie de faire passer dans la rencontre. Je savais qu’il travaillait à un nouveau livre davantage attaché à son enfance : la boulangerie familiale d’Ille-et-Villaine, la pension chez les pères de Sainte-Croix. Il sera publié l’an prochain, peut-être. Il hésite, prend le temps de laisser venir les sensations, les intuitions, leur réécriture. J’aime cette lenteur inquiète. Elle me rassure (sans doute un peu trop) sur mon propre compte. J’ai essayé de cheminer le plus délicatement possible dans son œuvre. Parlé de Venise et de Raymond Guérin, de vins de Bordeaux et de champs de bataille. Il y avait du monde. Les gens étaient visiblement contents. On s’est quittés presque à regret. Echangé téléphones et adresses. A bientôt ?

jeudi 28 avril 2022

Vendredi 25 mars 2022. 19h00.

J’ai préparé ma rencontre de samedi avec Jean-Paul Kauffmann au Prieuré d’Ardevon. L’endroit (un ensemble de bâtiments bénédictins datant du XIIIe siècle occupé par les moines jusqu’à la révolution), après avoir appartenu au département, est maintenant la propriété du diocèse d’Avranches-Coutances. On y accueille les pélerins du Mont-Saint-Michel. En 2020, j’avais été contacté par Charlotte qui s’occupe là-bas de l’animation culturelle. Je n’y suis intervenu que deux fois en deux ans. Pour le vibrant récit de Felix Macherez Au pays des rêves noirs, sur les traces d’Artaud chez les Tarahumaras et aussi, c’était vraiment moins bien, pour tenir le crachoir (je ne peux pas dire mieux) à l’infatué Mgr Lalanne, l'actuel évêque de Pontoise après avoir été celui de Coutances, qui venait de publier deux textes « spirituels » particulièrement indigents. Bah. Mais là, je suis vraiment dans l’impatience de demain.

Jeudi 24 mars 2022. 23h45.

Aller-retour Rennes pour chercher Amélie. Elle met six heures pour venir de Marseille. Elle est embauchée définitivement au Bruit du monde. Si elle pouvait souffler…

Mercredi 23 mars 2022. 18h40.

Les gars, comme il dit, de M. Mitaillé sont venus entretenir le jardin. Ils passent maintenant tout les mois. Du coup, je peux me permettre de le délaisser un peu sans qu’il devienne une jungle. Fait quelques courses à Granville. Au retour, j’avais un message de l’étude Million. J’avais déposé une offre pour un paon bleu à une vente qui se tenait aujourd’hui à Drouot et c’est moi qui ai remporté l’enchère. Le paon faisait partie de la collection Yvan Delqué, un taxidermiste autodidacte (il avait été ouvrier dans l’automobile, puis dans le textile) qui avait fini par ouvrir boutique dans sa maison du quartier d’Aillot à Castres. Les années passant, son chez-lui, de la cave au grenier, s’était trouvé occupé par un incroyable bestiaire. Il ouvrait son « Musée de la nature » aux curieux, aux enfants des écoles. Il aurait voulu léguer cet exceptionnel ensemble à la ville de Castres, mais les édiles ne s’y sont jamais intéressés. Il est mort à 92 ans le 6 mars. Il n’aura pas fallu longtemps pour que tout soit dispersé. Cela me rappelle le « Musée des papillons » à Saint-Chély-d’Apcher (3000 espèces), lui aussi parti à l’encan à la disparition de son propriétaire sans que personne ne se soucie de sauvegarder la collection. Ah, ces élus, si prompts à dégainer des fonds pour des sculptures de ronds-points ou du mobilier urbain et qui se fichent du patrimoine fragile. J’ai regardé les dimensions du paon : 1,43 m. de long. Je vais devoir réfléchir pour lui trouver une place dans mon couloir.

Mardi 22 mars 2022. 15h30.

J’ai emmené La Harpe au toilettage. Ce n’était vraiment pas du luxe. Elle ressemblait à un mouton laineux avant la tonte. Sale et hirsute. Deux heures (quand même !) après, elle avait retrouvé un aspect plus « civilisé ». J’ai laissé un pourboire à la jeune femme qui avait vaillamment démêlé l’affaire.

mercredi 30 mars 2022

Lundi 21 mars 2022. 19h00.

Je suis rentré. Ce matin tôt, nous nous sommes quittés pour partir à la gare chacun de son côté. Amélie avait son train pour Marseille. Moi pour Granville. Quel grand écart quand même. Elle aborde cette semaine avec un rien d’appréhension. C’est la fin de sa période d’essai et elle doit passer un « entretien ». Mon Dieu, que les gens se prennent au sérieux… Combien sont-ils là-bas ? Six ? Sept ? J’ai bien aimé ces quelques jours à Paris. Même si j’ai passé pas mal de temps à travailler mon papier sur le dernier livre de Serge Rezvani, Beauté, j’écris ton nom. C’est à chaque fois pareil. Il faut que je relise tout ou presque. J’étais venu avec le paquet de titres qui étaient dans ma bibliothèque et puis j’ai cassé les pieds à Dany pour qu’elle me sorte ceux qu’il avait publiés récemment. J’ai pris des tonnes de notes. Pour, en fin de compte rédiger 5000 signes pour lesquels j’aurais bien pu me passer de cette débordante collecte. Oui, j’étais bien à Paris. Je n’y viens plus assez. Mais j’ai l’horreur des voyages. Ce n’est pas une question de distance. Carolles-Paris. Paris-Magagnosc ou Paris-Mexico. C’est pareil. J’aime être arrivé, c’est tout. Après, j’ai du mal à repartir. Nous avons dîné à la maison avec Marianne et Catou. Nous sommes allés voir Fanchita, cette vieille dame indigne que j’aime tant, qui râle, emprisonnée ce quartier du Marais qu’elle aimait et qu’elle ne reconnaît plus. J’ai planté des lierres tombants, des jasmins, aux fenêtres de l’appartement. De beaux jours.

(…)

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mardi 15 mars 2022

Mardi 15 mars 2022. 21h40.

Rangements. Je pars demain à Paris pour quelques jours. Amélie a des rendez-vous jusque tard dans la semaine. Elle ne peut pas venir à Carolles. Je suis passé prévenir Brigitte et Yann de mon absence. Je leur ai porté le gros bouquet de tulipes acheté jeudi dernier. Elles sont encore très belles. Ouvertes, alanguies. Evasées.

Lundi 14 mars 2022. 20h10.

Promenade sur les chemins avec La Harpe. Je l’ai gardée en laisse. Mais qu’est-ce qu’elle tire. Accrochée aux odeurs, toujours en quête de quelque chose, elle tente de grimper le talus, cherche à aller à droite quand on marche à gauche, et l’inverse. Mais la survenue d’un lapin, le lourd envol de ramiers, la laissent indifférente. Je crois qu’elle poursuit juste un rêve. J’ai fini la taille des rosiers. Arraché de longues lianes de passiflore emmêlées dans les grimpants. Faute d’avoir réussi à dresser la chienne, je m’efforce de discipliner le jardin

Dimanche 13 mars 2022. 21h30.

J’ai terminé un court papier sur Les années manquantes, le dernier récit de Jean-Noël Pancrazi. Amélie est rentrée à Paris encore un peu lestée de fatigue inquiète. Les débuts du Bruit du monde semblent fiévreux.

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