Il y a 101 ans aujourd’hui que mon grand-père François est mort. Ses reins ne fonctionnaient plus. Il s’est éteint à soixante-trois ans dans sa maison de la Guérinière. Au 24 ou au 26. Mon père m’avait montré l’endroit de manière évasive et à l’époque j’étais assez avare de questions. Les numéros correspondent à deux logements distincts séparant maintenant le bâtiment. Occupait-il l’ensemble ? Je ne sais peu de choses de ce grand-père finalement plus jeune que moi. J’ai mis tout ce que j’en avais compris dans L’officier de fortune. La brouille tôt avec son père, l’engagement dans la Marine et puis les destinations lointaines, la Cochinchine, le Japon. Il avait épousé à la quarantaine une jeunette de vingt-quatre ans. Ma grand-mère Marie, que j’ai connu enfant mais dont je garde peu de souvenirs, était la nièce de sa belle-sœur Pauline, la femme de son frère Emile. Une manière de s’arranger. A la retraite, on l’avait nommé garde maritime à Carolles. Il sera le dernier. Je pense souvent à lui. J’ai cru comprendre, pressentir, qu’il avait passé sa vie à se taire. Et qu’il n’était heureux qu’au grand loin, au grand large ou sur la grève d’ici qu’il arpentait du lever du jour à la nuit. L’an dernier, j’ai raté le centenaire de sa disparition. Je me raccroche aux branches.