Mon oncle René a appelé ce matin. A bientôt quatre-vingt-dix ans, il continue à être le messager de la famille. Elle est bien éparse aujourd’hui. Et, d’une branche à l’autre, je devrais dire d’un clan à l’autre, plus grand monde ne se parle. Le temps a trop passé, les gens sont trop loin. On s’est perdus de vue, quelle importance ? S’il n’y avait lui, personne ne saurait plus rien. Il est le dernier lien, fragile, vacillant. Porteur surtout de mauvaises nouvelles. Les maladies, les accidents, les deuils. Jamais, en effet, va savoir pourquoi, il ne mentionne les mariages, les naissances. Je ne sais pas comment il a endossé ce rôle-là. Jeune, il avait plutôt la réputation de se ficher de tout. Aujourd’hui, il m’a annoncé le décès, lundi, d’Alain, le mari de ma cousine Agnès. Une crise cardiaque, m’a-t-il dit. Soixante-huit ans. Je le connaissais à peine. Nous avions dû seulement nous croiser, bien vite. Ma cousine, je ne sais même plus quand je l’ai aperçue la dernière fois. Sûrement à un enterrement. Elle doit être terriblement triste, d’autant que cette mort survient, à quelques jours près, un an après celle de ma cousine Françoise, sa sœur cadette. J’ai fait un mot maladroit. Juste pour dire que je pensais à elle. A leurs deux garçons, Franck et Yann, qui doivent avoir la quarantaine, et que, bien sûr, je croiserais dans la rue sans les reconnaître. C’est à mon oncle René, mon parrain, qu’il faut que j’écrive aussi.