J’ai retrouvé cette semaine, dans les papiers de ma mère, une prière qu’elle avait écrite le 6 octobre 1990. Mon père était mort quatre ans plus tôt. Elle avait soixante-douze ans. Grande marée. La mer est loin/ La mer est loin, très loin./ Si loin qu’on la dirait engloutie dans l’horizon./ L’estran lisse et brillant s’étend à perte de vue./ Je m’avance et je m’avance encore/ En vain, la mer est toujours aussi loin/ Et rien ne trahit sa présence./ Trop loin, trop loin la mer./ Trop loin pour mes forces./ Au bout de mes pas, je ne trouve rien,/ je ne vois rien, je n’entends rien./ Et toujours ce sable mouillé où je m’enfonce./ Où es-tu seigneur ?/ Trop loin, trop loin pour moi/ Trop loin pour mes efforts dérisoires,/ Bien au-delà de mon possible./ J’ai fait vers toi tous ces pas laborieux/ Et comment, comment te trouver/ si tu t'éloignes à mesure que je me traîne vers toi./ Faut-il laisser la mer aux bateaux/ Et Dieu aux saints,/ Aux saints qui ont eu ce courage qui me manque./ Ce courage d’un pas après l’autre/ vers l’inaccessible infini./ La mer est loin, si loin et je n’ai plus de force./ Mais je sais, je sais qu’elle reviendra./ Oui, je sais, à la vitesse du coursier./ Elle sera là, il suffit de l’attendre. Je serais bien allé lire ce texte sur la grève, mais il a plu sans cesse aujourd’hui. De grosses gouttes lourdes. Juste une éclaircie dans la matinée pour le marché à Granville. A la nuit tombante, nous avons poussé jusqu’à la Croix-Paquerey, abrités sous le grand parapluie rouge qu’Amélie m’avait offert pour mon anniversaire.