L’été est passé. Il a passé. Hier soir, le train d’Amélie était bondé de vacanciers sur le retour. La plage au matin est à nouveau déserte et je peux y faire courir la chienne. Dans un peu plus de quinze jours, j’aurai soixante-trois ans et pour le coup, ce sera vraiment l’automne. Fin juillet, nous étions à Veyrier pour les vingt ans de mariage de Virginie et Marcus. Belle fête sur les terrasses du château de Menthon. J’étais, comme toujours, un peu effrayé par le monde (et Dieu que nous étions nombreux). Mais ces deux-là parviennent à créer une si affectueuse et enveloppante alchimie que tous ceux que l’on rencontre chez eux, qu’on les connaisse bien, ou moins, ou pas du tout, deviennent très vite familiers. Ils font, imperceptiblement, le lien. Et l’on se retrouve ainsi embarqués dans des conversations qu’on n’aurait jamais imaginées, à écouter des confidences, à se raconter. Toute la soirée, le misanthrope que j’ai toujours été, le vieil ours mal léché que je suis devenu, n’ont pas cessé de s’en étonner. Nous sommes repartis en voiture jusqu’à Grasse avec Claire et Emmanuel, embarquant au passage l’oncle Patou. Une petite semaine dans le Sud. Ca aura été nos vacances. Douces. Entre parenthèses. Tout cela s’est déjà étrangement éloigné. Je garde du séjour le souvenir du musée Fragonard et de son exposition au titre un peu racoleur « Parfums d’interdit ». Autour de Jean-Honoré Fragonard, étaient rassemblées des peintures de Marguerite Gérard, de Louis Léopold Boilly et d’autres contemporains. C’est le plein XVIIIe siècle de La Harpe et j’ai eu le sentiment d’ouvrir les yeux sur des images intimes qu’il aurait croisées. Nous avons repris le train à la gare d’Antibes, chargés, comme à chaque fois de pots de confiture d’orange amère et de savons de Marseille, d’ail au vinaigre et de bouteilles de vin. L’arrivée à Granville, le lendemain, a été un peu mouvementée. Sur le parking de la gare, un voyou abruti (pour remplir son réservoir de scooter ?) avait sectionné la durite d’alimentation d’essence de notre vieille Twingo. Le méfait devait dater de la nuit précédente. Pas de chance. Une mare de carburant entourait la voiture. Et cela continuait de couler. Pompiers, police, dépanneuse. Ça énerve. J’ai lu la rentrée aussi cet été. La blessure de Jean-Baptiste Naudet, Elsa mon amour de Simonetta Greggio, Un homme aborde une femme de Fabienne Jacob. Deux premiers romans : Ma vie de saint de François-Xavier Delmas et La vraie vie d’Adeline Dieudonné (ne pas s’arrêter à son titre à la Claire Etcherelli). Aussi le bel essai de Laurent Nunez, Il nous faudrait des mots nouveaux. Parcouru une foule d’autres textes en me disant que j’allais y revenir. Mais ma préférence absolue va au livre d’Emmanuelle Pagano, Serez-vous des nôtres ?, dernier volume de sa « Trilogie des rives », une suite d’histoires d’eaux, de clapots, de murmures, de bruissements. De profondeur. Ici elle relie les étangs de la Brenne au grand océan Atlantique. Envoûtant. Marie est venue passer une petite semaine à Carolles avec son vieux chat Beuys (gardé prudemment hors de la vue de la chienne). Le malheureux est mort le dernier jour, comme je la raccompagnais à Rennes pour la suite de ses vacances. Juste à la fin du trajet. J’ai laissé Marie toute bouillie de chagrin à sa mère avec qui elle avait rendez-vous (je ne l’avais pas revue depuis plus de dix ans) et je suis reparti avec le petit cadavre. Je l’ai enterré dans le jardin, au pied du rhododendron. L’événement a réveillé mes chagrins. J’ai traîné jusqu’au soir une envahissante tristesse. Nous sommes partis quelques jours encore dans le Gers où nous étions invités, près de Auch, pour l’anniversaire des cinquante ans de Gérald. L’occasion de retrouver Virginie, Marcus et les filles. Surtout de dire au revoir à Camille qui part à Montréal pour ses études. Là-bas, j’ai réalisé que nous n’étions qu’à quelques kilomètres de L’Isle-de-Noé, là où vit ma belle-sœur Noëlle, la veuve de mon demi-frère Jean. En 2012, nous étions passé la voir pour tenter de récupérer les journaux de campagne de mon père et quelques souvenirs. Elle n’avait, paraît-il, rien retrouvé. Je lui ai écrit plusieurs fois après. Jamais je n’ai reçu de réponse. L’occasion était trop belle. Hélas, elle était absente. Partie à Toulon dans sa famille, m’a dit sa voisine. Au moins, je sais qu’elle est en bonne santé. Oui, l’été a passé. A Paris, nous avons revu Marcus et Victoria, Valentine et Apolline avant qu’ils ne repartent pour Mexico. A bientôt ! Enfin pas tout de suite… Dans un an au mieux. Je n’ai repris mon train que le surlendemain. Christophe m’avait demandé de participer à sa nouvelle émission littéraire Au pied de la lettre sur RCF. Gratis pro Deo, mais j’aime bien Christophe et, depuis Jeux d’épreuves, la radio me manque. Aussi je reviendrai s’il veut bien. Cela m’a permis de défendre le livre d’Emmanuelle Pagano. Mais maintenant, il faut que je me remette au travail. Mon manuscrit doit être fini en décembre.