J’ai bouclé un nouveau chapitre. Non sans mal. J’ai l’impression d’être encore, toujours, au début du livre. C’est un peu vrai d’ailleurs. Je suis dans la pente. Sans doute me faut-il juste prendre un peu d’altitude. J’ai reçu un message plein d’encouragement et d’attente d’Isabelle. Elle attend la suite. J’ai hélas encore trop peu de pages à lui envoyer. J’ai travaillé pour Le Monde. Un papier sur Le tour de France de deux enfants d’aujourd’hui de Pierre Adrian et Philibert Humm. Ensemble, ils ont refait pas à pas, ou presque, le chemin qu’avaient emprunté André et Julien Volden, les petits protagonistes du Tour de France par deux enfants, ce best–seller scolaire publié en 1877 qui tient du livre de lecture, du manuel de géographie, d’histoire, de la leçon de choses et de celle de morale. Après la défaite de 1870 et la perte de l’Alsace-Lorraine, André et Julien, 14 et 7 ans, tout juste orphelins, fuient Phalsbourg sous domination prussienne pour rejoindre leur oncle à Marseille. Ils s’embarquent dans une odyssée qui va les entraîner bien plus loin qu’ils n’imaginaient. Ce texte d’il y a cent-cinquante ans exalte le devoir et l’amour de la patrie, ce qui l’a fait jeter aux oubliettes, on s’en doute, par les beaux esprits contemporains. Pierre Adrian m’avait parlé de ce projet lors de sa dernière venue à Carolles. J’avais été très enthousiaste. Le résultat est un peu différent de ce que j’imaginais. La faute sans doute à l’écriture à quatre mains. Au-delà, il ressort des pérégrinations de nos deux auteurs que la France a bien changé et pas seulement en comparaison de celle de la fin du XIXe siècle d’André et Julien Volden, mais dans un mouvement qui ne fait que s’accélérer depuis les vingt ou trente dernières années. Tissu industriel défait, campagnes abandonnées, urbanisation hideuse, zones commerciales tentaculaires, centres-villes désertés, pollution. Et comme en écho à ce désastre, des marginaux, des désabusés, toute une foule d’aquabonistes, de résignés. D’absurdes fêtards et d’impuissants enragés. Bon, Pierre Adrian et Philibert Humm, parviennent, à force de détachement, d’ironie, de souvenirs touchants, de connivences littéraires, à rendre leur récit attachant. A en faire une sorte d’épopée fraternelle à la Trois hommes dans un bateau de Jerome K. Jerome. Autrement, cela aurait été une terrible charge. Peut-être eût-il mieux valu… Rendu aussi deux petites chroniques. La première sur Quand vos nuits se morcellent, la très belle lettre de Daniel de Roulet au peintre Ferdinand Hodler sur la mort de Valentine, son modèle, son amante, l’essentielle femme de sa vie, à laquelle il ne survivra que trois ans. L’autre sur Le vestiaire de Chateaubriand, l’essai tonique de Franc Schuerewegen. Jeanne est venue passer quelques jours avec trois de ses quatre enfants (l’aînée, Elise, était, je crois, en camp scout) : la cadette Eugénie et les deux jumeaux Virgile et Tristan. Ils ont bouclé l’été des « petits ». Après eux, nous n’en attendons plus aucun. Nous en retrouverons encore une jolie troupe en Savoie à la fête des vingt ans de mariage de Virginie et Marcus. Nous partons mercredi et ferons ensuite un court séjour à Magagnosc chez les parents d’Amélie. La Harpe sera à Saint-Pierre-Langers à l’Arche de Léo. J’ai senti Yann un peu déçu de ne pas la garder. Il m’a promis de venir arroser le jardin pendant notre absence. Grâces lui soient rendues. Il fait si sec que mes pauvres plantations ne résisteraient pas.