Il a plu depuis tôt le matin. Amélie est partie au marché sous des cordes. J’ai préparé mes questions pour la rencontre avec Cécile Reyboz. Vague éclaircie lorsque je suis allé la chercher à la gare de Granville. Je suis content qu’elle soit là. J’ai une vraie admiration pour sa manière d’écrire l’intime, ses grandes et petites tragédies. Elle le fait un pas de côté, l’air de ne pas y être. Et pourtant, elle livre tout avec une grande liberté, une absolue franchise. Elle a du cran aussi. Nous avons fait un peu traîner le déjeuner, salade de homard et rosé frais. Courte balade en Baie entre deux averses avant de rejoindre la salle. Le mauvais temps n’avait pas trop fait fuir les gens. La conversation a duré un bon moment. J’ai pu y glisser cet extrait de la lettre qu’écrivait en 1840 Charles Dodgson à son fils, le futur Lewis Carroll (il avait huit ans) à propos d’outils qu’il avait envoyé chercher en ville : … si on ne me les apporte pas sur-le-champ, je ne laisserai rien en vie, hormis un petit chat, dans la ville de Leeds. Et alors quel vacarme se sera ! Les cochons et les bébés, les chameaux et les papillons rouleront ensemble dans le ruisseau ; les vieilles dames grimperont dans les cheminées poursuivies par des vaches ; les canards se cacheront dans les tasses à café ; les oies bien grasses essayeront de se faufiler dans des boîtes à crayons ; et finalement,on trouvera le maire de Leeds dans une assiette à soupe, recouvert de crème anglaise et tout garni d’amandes pour le faire ressembler à une frangipane. Ce pour tenter, à la déroutante et permanente autodérison dont Cécile Reyboz bouscule ses textes, à sa manière de mettre le monde cul par-dessus tête, d’accrocher une espèce de parenté du loin. Joyeux dîner à la maison où nous avions invité Sophie (qui enregistre toutes les Rencontres et les diffuse sur Avranches FM) et son mari Benoît, qui est vétérinaire à Sartilly.