J’ai lu le Vivre en bourgeois, penser en demi-dieu de Jacques Weber sur Flaubert. Ca parle de vies mêlées. Un « L’un et l’autre » comme dans la collection de J.B. Pontalis. Comme dans L’express de Bénarès où Vitoux évoquait avec tant de proximité Henry Jean-Marie Levet. Petits pas dans les siens. Avec Flaubert, Weber n’est pas dans le reflet. Il triture plutôt les existences, les mots, les corps. En fait une pâte à modeler où les couleurs s’étirent, s’irisent. Il la sépare, la malaxe à nouveau. Moi et lui. Ou l’inverse. J’ai retrouvé d’où vient le titre. C’est d’un lettre à Louise Colet de l’été 1853. Flaubert a la petite trentaine. Il écrit : Oui je soutiens – (& ceci pour moi est, doit être, un dogme pratique dans la vie d’artiste) qu’il faut faire dans sa vie, son existence, deux parts. Vivre en bourgeois & penser en demi-dieu. Les satisfactions du corps & de la tête n’ont rien de commun. S’ils se rencontrent mêlés, prenez-les et gardez-les. Mais ne les cherchez pas réunis, car ce serait factice et cette idée du bonheur, du reste, est la cause presque exclusive de toutes les infortunes humaines : réservons la moelle de notre cœur pour la doser en tartines, le jus intime des passions pour le mettre en bouteilles. Faisons de tout notre nous-mêmes un résidu sublime pour nourrir les postérités. – & sait-on ce qui se perd chaque jour par les écoulements du sentiment ? J’aime aller piochant dans la Correspondance. Parlerons-nous de Louise Colet vendredi à Granville ? J’en doute. La rencontre dure juste une heure et les gens viennent surtout pour l’écouter lire du Flaubert. J’ai repensé à elle, la « muse ». A ses élans, à ses colères, ses tristesses noires. A sa poésie, à son dernier voyage à Venise. A sa mort chez sa fille à Paris. Et à sa tombe au cimetière de Verneuil-sur-Avre où je ne suis jamais allé.