J’ai relu en prenant des notes, pour Le Monde, Raymond Mauriac, frère de l’autre de Patrick Rödel aux éditions Le Festin, le journal intime « inventé » du grand aîné de François Mauriac, à la vocation littéraire contrariée. Raymond reste l’oublié de la famille. Un effacé à la vie terne (il fit une carrière d’avoué à Bordeaux). Les recherches de Rödel dans les archives familiales montrent qu’il fut contraint par la volonté maternelle à « faire son droit » et à se détacher de son profond désir d’écrire. Il attendra l’âge de 54 ans pour publier. Individu, paru en 1934 chez Grasset recevra le prix du premier roman. Mais il ne le signera pas sous son propre nom. On l’a convaincu de prendre sagement un pseudonyme. Amour de l’amour sortira deux ans plus tard toujours chez Grasset. Et l’aventure s’arrête là. L’histoire est amèrement tragique. Elle mêle les grandes espérances aux contraintes, aux renoncements. Raymond Mauriac est un sacrifié. Et c’est d’autant plus triste qu’Individu (que Le Festin republie) est un roman remarquable. Noir, sans espoir, mais à la puissance d’évocation foudroyante. J’ai commencé à écrire le papier. Nous sommes allés voir le soleil couchant sur la falaise. Dîné au jardin malgré le frais qui tombe. Je finirai demain.