Ma cousine Françoise est morte ce midi. D’un cancer foudroyant. Elle avait soixante-sept ans. Nous ne nous voyions plus depuis bien longtemps. Des dizaines et des dizaines d’années. Je ne savais plus rien de sa vie sauf quelques bribes ramassées au hasard des rares conversations au téléphone avec mon parrain René qui s’efforce, tant bien que mal, de maintenir la flamme vacillante de la famille. Françoise était la plus jeune des trois filles de mon oncle Henri et de ma tante Marcelle. Il y avait Josette, l’aînée, la grande, et puis Agnès et Françoise qui se suivaient de peu. J’ai toujours gardé sur mon bureau une petite photo noir et blanc, prise à Wattrelos, à la fin des années 1950, près de leur maison dans le quartier de la Mousserie. Je dois avoir trois ans. A peine. Je suis avec Agnès et Françoise et je leur tiens, à chacune, la main. Elle sourient au photographe, moi je regarde le ciel et je souris aux anges. Et les anges, mes anges, ce sont elles. Je ne me souviens bien sûr pas de cet instant précis, mais je conserve toujours, intacte dans mon cœur, cette émotion douce de petit garçon, fier, heureux entre ses deux jolies cousines. Toute ma vie, j’ai continué à aimer Françoise, de loin, de cet amour d’enfant. Et aujourd’hui, c’est comme si elle avait laché ma main. Elle sera incinérée mardi à Wattrelos. Je ferai le voyage.