Le marché avec Steven à Granville. Il achèterait tout. Et, de fait, dès qu’il s’échappe un peu, il revient avec quelque chose. Du pâté de campagne, des amandes salées, des huîtres. Il lorgne sur le calvados et s’arrête longuement devant les fromages de Flavie et François. Comme ils ont vécu deux ans en Australie, ils lui font un brin de causette. What a fantastic market ! Fantastic revient sans cesse dans sa bouche. Fantastique, magnifique, extraordinaire, formidable. Tout cela tient pour lui en un seul mot qu’il répète à l’envi. Il faut dire que si Amélie et lui se comprennent sans souci, converser avec moi est plus compliqué. Il y a belle lurette que j’ai balancé ma grammaire anglaise aux orties. Je mélange les temps des verbes et des pans entiers de mon vocabulaire se sont effondrés. Aussi nous nous contentons de l’essentiel. Fantastic ! Great ! J’ai fait de mon mieux cependant dans l’après-midi pour le guider sur les traces de Dominique Aury à Avranches. Pas eu de nouvelles (j’allais dire : bien sûr…) du « maire-historien ». Je me suis donc concentré sur les éléments biographiques en ma possession et j’ai aussi compté sur la chance. La Butte est un ancien hameau du Val-Saint-Père à un jet de pierre du Jardin des plantes et de l’église Notre-Dame-des-Champs. Nous avons marché, regardant les maisons, hésitant sur telle ou telle, avant que j’aperçoive une grande bâtisse abandonnée, fin XVIIIe, début XIXe, à moitié cachée par la végétation. S’il existait là une propriété ayant appartenu à Charles de Montalembert, ce ne pouvait être qu’elle. L’endroit offrait un incroyable panorama sur la Baie. Nous nous sommes tus, pris dans une étrange harmonie. Mais, hélas, salissant le silence, montait d’en bas (pourtant loin) l’incessant grondement des voitures passant sur la quatre-voies. Un tour à Notre-Dame, balade choisie dans le vieil Avranches. Les ruelles étroites, le château, la statue de Valhubert. Je me suis aidé des Beatles pour lui expliquer : Nothing has changed/ It’s still the same…