Amélie a pris un train tôt pour Lyon. Elle y reste trois jours pour le festival Quai du polar où elle accompagne Qiu Xiaolong, son auteur chinois, à qui l’on doit la série de L’inspecteur Chen, une dizaine de romans mettant en scène un policier de Shanghai, cadre du parti communiste, et poète. Je ne la verrai pas avant la fin de la semaine prochaine. Patrick m'avait décroché un rendez-vous avec lui à son cabinet à Petit-Quevilly. J'ai embarqué la chienne sur la banquette arrière. Deux bonnes heures de voiture. Je voulais profiter d'être là-bas pour voir la maison natale de mon père. La famille de ma grand-mère Marie y était installée depuis des générations. J'avais noté l'adresse sur un document d'Etat-civil : 183, route de Caen. Mais il y a longtemps que Petit-Quevilly ne ressemble plus à une bourgade normande. Il y a eu les bombardements de 1944 et les reconstructions anarchiques. Aujourd'hui, la ville est traversée de routes à quatre voies débouchant sur d'immenses ronds-points. Supermarchés, fast-food, boucheries hallal, magasins d'accessoires automobiles, solderies. Tout est laid et triste. La route de Caen n'existe plus. Est-elle devenue l'avenue Jean-Jaurès ? Je ne le saurai jamais et je n'ai pas envie de le savoir. Je me suis un peu égaré et j'ai fini par me retrouver sur une petite place « de campagne », un îlot posé dans la zone industrielle. Au centre une église (du XVIe ?) de style gothique avec sa flèche polygonale typique de la région. Je suis entré. Je me suis plu à penser que mon père avait peut-être été baptisé là. Côté dentiste (j'étais venu pour ça), Patrick m'a réparé ma molaire et remonté le moral. Mais non, tes dents ne sont pas pourries, elles ont juste ton âge, et pour ton âge, elles sont parfaites ! Il prend sa retraite à la fin de l'année. Ils réfléchissent avec Laurence à s'installer au Portugal. Il faut dire que ce que j'ai vu de la banlieue de Rouen ne donne pas envie d'y passer ses vieux jours. On vous attend à Carolles ! Dans la soirée, j’ai terminé les corrections du manuscrit de Yann. La balle est dans son camp. Nous ferons une dernière relecture quand il aura pris le temps de regarder tout ça. Je vais pouvoir me remettre à mon livre. J’ai toujours des problèmes de plan que je ne parviens pas à dépasser…