J’ai déjeuné avec Marie ce midi. Je l’ai attendue à sa galerie et nous sommes allés à l’Un des sens, un très bon bistrot du boulevard Hausmann (il ne faut pas s’arrêter au prétentieux jeu de mots de son nom). Bavardé de tout, de rien, très agréablement. De son boulot, de sa passion pour les jeux de rôle. De Julie, sa copine de crêche (elles ne se sont jamais perdues de vue) qui a le même âge, à deux semaines près, et qui part s’installer à Saint-Malo. Je ne sais pas qui sont aujourd’hui les amis de ma fille, c’est pourquoi je me raccroche à ceux de son enfance. Ceux que je connais. Julie, bien sûr, qui était de bien des mercredis, et des week-ends et des vacances, mais aussi Fabienne, Sarah. Toutes des jeunes femmes maintenant. Le temps a filé à toute vitesse et nous nous sommes rendus compte que nous avions passé près de deux heures ensemble. Je me sauve ! Je vais être en retard à la galerie. J'ai marché un peu dans le quartier, dans ce VIIe arrondissement de Saint-Augustin où j'ai travaillé si longtemps. Au service de santé mentale, rue de Lisbonne, d'abord. A Point de Vue, une dizaine d'années plus tard, rue Chauveau-Lagarde. Je rêvassais quand j'ai senti quelque chose de bizarre dans ma bouche, comme un petit caillou. C'était un bout de dent qui s'était détaché, laissant un vilain creux dans une molaire. Quelle horreur. Je m'en vais en morceaux. La même mésaventure m'était arrivée il y a longtemps (j'avais une trentaine d'années). Je me souviens juste de la panique qui s'était emparée de moi à l'époque. J'avais compris que je vieillissais. Aujourd'hui, j'ai simplement téléphoné au dentiste. Mais bien évidemment il ne pouvait pas me recevoir. Ni aujourd'hui, ni demain. Ni aucun jour de la semaine d'ailleurs. Il va falloir que je trouve une solution.