L’autocar nous a déposé gare Montparnasse à 3h00 du matin. Une petite flotte de taxis nous attendait. J’étais à la maison une demi-heure après. Voyage pénible. Le chauffeur faisait brailler la radio. Il s’est perdu en arrivant à Paris. Pensez, je n’y ai pas mis les pieds depuis mon service militaire… Je me suis rendu compte en me couchant que pas une fois je n’avais pensé au pauvre type qui s’était flanqué sous le train. Déjeuner avec Marie boulevard Haussman dans un restaurant à deux pas de sa galerie. Je la trouve apaisée sans bien savoir à quoi cela tient. Comme toujours, elle ne me raconte pas grand chose de sa vie, mais nous avons passé un très joli moment. J’ai retrouvé Pascale le lendemain à La mère agitée. Elle rentrait de quelques jours avec ses frères dans la maison familiale (enfin celle de ses parents qu’un de ses frères justement occupe aujourd’hui). Nous nous sommes échangé les nouvelles. Cela faisait un mois que nous ne nous étions pas vus. Je lui ai raconté mes déboires avec Libération. Je m’étais finalement décidé à leur écrire pour leur réclamer les indemnités qui m’étaient dues après que Next où j’avais une chronique mensuelle et des papiers réguliers depuis 2010 avait mis la clé sous la porte en mars. Le nouveau responsable des ressources humaines, un certain Sylvain Roux, m’a appelé, tout miel, pour m’expliquer, en gros, qu’il me faisait une faveur en me lâchant un peu plus de 2000 euros. Rien à faire pour négocier. Prendre un avocat ? Ces gens-là savent bien que cela me coûtera plus cher que le peu que je leur grapillerai. Alors, bien sûr, je vais céder. N’empêche, j'ai signé pendant six ans dans tous les numéros du mensuel. Si je ne m’étais pas manifesté, je n’aurais rien eu du tout. Drôle de fin quand même. Mon tout premier papier à Libération est paru le 24 avril 1991. J’en avais fait quelques autres pour Edouard Mir au service société. Puis il avait cessé de m’en commander du jour au lendemain. Déjà. Nous avons reçu Michel Bernard aux Rencontres pour ses Deux remords de Claude Monet. Ma chronique sur le livre, au Monde, était sortie juste avant. François Broche m’avait envoyé un petit mot à l’occasion. Je suis content, m’écrivait-il, que vous rencontriez Michel. C’est un de mes meilleurs amis. Je suis allé le chercher à l’aéroport de Rennes (il arrivait d’une signature à Nice) et, en bavardant dans la voiture, nous nous sommes assez vite sentis en confiance, en « familiarité » même. J’étais d’ailleurs à ce point pris par notre conversation que j’ai raté un embranchement sur l’autoroute et que nous nous sommes retrouvés à Laval. Cent cinquante kilomètres de détour. Une paille. J’espère que nous reverrons. Que nous pourrons nous écrire un peu. Je n’y crois guère. La correspondance est morte. J’ai beau m’obstiner, plus personne ne répond au courrier. Ne serait-ce que par simple politesse. Cela fait des années, d’ailleurs, que les auteurs ne se donnent plus la peine d’envoyer un simple mot de remerciement après un papier. Les plus reconnaissants adressent un texto, deux lignes de courriel. Les enfants n’accusent pas réception des lettres. Personne ne les encourage à glisser ne serait-ce qu’un dessin dans une enveloppe. Et pour mes amis je peux m’estimer heureux si je reçois d’eux une carte postale de vacances. Même mon vieil oncle Georges qui a pourtant été longtemps le président d’une « Amicale des epistoliers » reste muet aux mots que je lui envoie. J’ai le sentiment d’être atteint d’une désuète manie qui ennuie tout le monde. J’ai signé mon Herbier à la librairie le Détour de Granville, un samedi de pluie battante. Il n’y avait pas grand monde. Heureusement que Martine, Jean-Pascal et Agathe avaient bravé les éléments pour venir.